La Patate d’Or de Canapé 2018: le Best of du cinéma chez soi

Jonah Hill et Emma Stone dans Maniac de Cary Joji Fukunaga © Michele K. Short / Netflix
Serge Coosemans
Serge Coosemans Chroniqueur

La saison des tops 2018 étant officiellement lancée, voici le Top-5 des films vus à la maison (légalement, en gros) par quelqu’un qui est moins critique ciné que provocateur rigolard, d’où une série télé en première position et quelques commentaires olé-olé en sus. Frères Coen en grande forme, Orson Welles mort-vivant et curé de campagne en plein délire nihiliste, c’est le Crash Test S04E15.

1. Maniac

de Cary Joji Fukunaga (Netflix)

Je n’ai toujours pas percuté en quoi The Haunting of Hill House serait si génial. Cette série Netflix a beau avoir cartonné, elle ressemble tout de même drôlement plus à une anthologie de scènes coupées de The Conjuring qu’au génial roman de Shirley Jackson de 1959 dont elle prétend pourtant s’inspirer. Je n’ai surtout pas compris comment tant de monde a pu passer à côté de Maniac, autre (mini) série Netflix (un peu) fantastique et quant à elle vraiment proche du chef d’oeuvre. Alors bien sûr, Maniac parle de cliniciens zinzins, d’univers étranges, d’états dépressifs et de chipotages de la mémoire dans un environnement de science-fiction satirique fait de bric et de broc. Ça fait donc bien penser à Terry Gilliam, à Spike Jonze, à Michel Gondry et à Charlie Kauffman. Mais ce n’est ni les uns, ni l’autre et, forcément, il y a donc bien à Maniac un petit côté Eternal Sunshine of the Canada Dry qui peut crisper.

Reste que le scénario est exigeant, malin et triste. Reste qu’Emma Stone et Jonah Hill sont fantastiques dans des rôles complètement à contre-emploi. Reste que la fin est éventuellement de nature à faire gamberger durant des heures. Reste que ça joue sur l’intelligence du spectateur en ne recourant jamais à des grosses ficelles comme les flashbacks inopportuns, les cliffhangers et le surlignage: il faut suivre, point. Reste que même si il y a bien quelques côtés potaches, voire même lourdauds, à ces dix heures de film (si David Lynch peut appeler un truc aussi décousu que Twin Peaks S03 un film, je ne vois vraiment pas pourquoi Maniac devrait s’abstenir…), jusqu’à la dernière minute, ça ne déconne pas. Pas de fin qui semble avoir été décidée par un producteur frileux, pas de personnages jusque-là plutôt asexués qui se mettent soudainement à se rouler des grosses pelles, pas de rédemption bidon… Maniac reste au contraire cohérent dans sa vision sombre des choses, ne se perd pas en route et ne s’encombre pas de compromis. Ce qui, à notre époque, est tout de même assez inespéré.

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2. The Ballad of Buster Scruggs

des frères Coen (Netflix)

Quand j’en viens à établir mon top 5 de la filmographie des frères Coen, en première place il y a Fargo. C’est l’un des films qui me fait le plus rire au monde. Je le regarde systématiquement au retour des enterrements, j’utilise les noms des personnages secondaires quand je trolle anonymement sur Internet. Il y a, dans Fargo, des choses qui ne durent qu’une demi-seconde et me font hurler de rire, comme le poster de l’accordéoniste sur la porte de la chambre du gamin. La scène où Jerry Lundergaard tente de s’échapper en caleçon dans la neige par le vasistas de la salle de bain manque à chaque coup de me rompre des anévrismes. Celle où Shep Proudfoot interrompt Carl Showalter en plein coït pour le frapper à coups de ceinturon en lui hurlant des insanités me fait à chaque fois manquer des battements de coeur. Bref, Fargo über alles.

En 2, je place Blood Simple. C’est le premier que j’ai vu des Coen, un soir, tard, à la BBC, et ce fut un véritable choc. Puis, il y a The Big Lebowski en 3 parce que c’est fort drôle et Barton Fink en 4 parce que c’est drôlement tordu. Et puis après? Bof. Jusqu’ici, ça dépendait un peu de mon humeur, hésitant généralement entre Arizona Junior et No Country For Old Men. Et là, ça n’hésite plus, c’est The Ballad of Buster Scruggs que je place désormais en 5. Parce que la séquence avec Tom Waits, parce que celle avec Liam Neeson, parce que les Indiens se pétant la tronche à cause des trous de taupes dans la plaine, parce que la violence insensée et la profusion de scènes d’humour noir justement aussi hilarantes que celles qui me font manquer de mourir dans Fargo. Bref, voilà que je soutiens que les frères Coen ont sorti en 2018 l’un des meilleurs films de leur carrière. Sur Netflix. Ce qui fout tout de même encore plus mal la petite théorie de Luc Dardenne comme quoi Netflix ne produit que des films secondaires qui n’ont aucun prestige.

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3. First Reformed

de Paul Schrader (via les voies du Seigneur)

Dans le monde, il y a ceux qui aiment les films de fin du monde avec un gros extraterrestre mauve qui tue la moitié de l’univers en claquant des doigts sur une musique à la Richard Claydermann, et puis ceux pour qui cette fascination pour la finitude peut très bien s’incarner dans un film plus gris que l’intérieur d’un sac plastique. First Reformed donc, l’histoire d’un curé de campagne rongé par le doute et le cancer et se suicidant à petit feu à la pinte d’eau de javel, tout en envisageant la rédemption soit par la fornication, soit par la tuerie de masse. Ce n’est pas parfait. C’est même par moments carrément lourdingue et très naïf mais dans le genre « crépusculaire », comme on dit, ça n’en reste pas moins méchant, fort, dérangeant et même méchamment fort dérangeant. Malgré tout ça, un casting plus que correct et le pedigree du réalisateur, ce film n’a toutefois toujours pas été distribué dans les salles belges et n’a d’ailleurs pas l’air de devoir l’être un jour. À ma connaissance, du moins. De là à accuser l’extraterrestre mauve…

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4. Apostle

de Gareth Evans (Netflix)

Au moment de décerner la Tiare de la Couillonnade la Plus Zinzin de l’année, ça hésitera forcément entre Mandy et Apostle. Le premier est ce film où Nicolas Cage bourre le pif de démons cocaïnés déguisés en Slipknot et d’une bande de demeurés sectaires dont les tronches et les coiffures semblent être un hommage aux documentaires cultes jadis tournés par Manu Bonmariage dans la région de Charleroi. Le second est le film presque tout aussi zinzin que Netflix a permis de fabriquer à Gareth Evans, le type qui a tourné The Raid et The Raid 2.

Ici aussi, beaucoup de pifs sont bourrés, vu que c’est l’histoire du plus mauvais acteur en activité (Dan Stevens) qui va chercher sa soeur sur une île où elle est retenue prisonnière par un culte new-age (en 1900). Il va donc se battre contre la secte en question mais aussi contre un type avec une décoration Ikea autour de la tête et hum… Non, je ne le dis pas, car il faut le voir pour le croire. Débutant comme un thriller réaliste et tendu, Apostle vire en effet au bout de seulement une heure dans l’ultra-violence (mais alors, vraiment), le torture porn et la grosse blague écologique, comme si les pages d’un roman gothique du XIXe siècle et celle d’une bédé trash à la Liberatore s’étaient soudainement mélangées au moment d’imprimer. Je n’ai pas aimé ce film, vraiment pas. Mais je suis content qu’un truc pareil existe et qu’en 2018, il reste des gens pour gaspiller de l’argent dans quelque chose d’aussi farfelu, branquignol et, en fait, totalement Z. Nanarland forever.

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5. The Other Side of the Wind

de Orson Welles (Netflix)

Je me suis plutôt ennuyé devant The Other Side of the Wind, le film qu’Orson Welles n’avait pu achever avant de mourir et que Netflix a terminé 43 ans plus tard on ne sait trop pour quelle impérieuse raison, sinon la gloriole. Que le film soit bon ou pas me semble en effet très secondaire, du moins est-ce l’impression que j’ai retirée de cette affaire. C’est que Netflix a beau prétendre honorer la mémoire de celui qui reste peut-être le plus grand cinéaste américain de l’histoire, le message qui semble surtout envoyé au monde, c’est que désormais, tout est possible, qu’il n’y a plus aucun tabou. On peut sortir un film plus de 40 ans après la mort de son réalisateur. On peut sortir un film joué par un casting composé à 85% de personnes décédées il y a plusieurs décennies. The Other Side of the Wind est dès lors moins une curiosité cinématographique que la version Netflix des hologrammes d’Elvis, de 2Pac et de La Callas dans les salles de concerts. Ce n’est pas un cadeau aux fans d’Orson Welles et aux cinglés de cinéma, c’est une déclaration d’intention qui annonce tous les délires bassement commerciaux à venir: non seulement, des films d’auteurs morts achevés par d’autres mais aussi des films où jouent des acteurs morts au milieu de vivants (c’est déjà le cas de Star Wars) et peut-être même, un jour, des remakes de films pour qu’ils ressemblent à ce qu’ils auraient dû être si tout s’était passé comme prévu. Exemple: pour Les Aventuriers de l’Arche perdue, Spielberg avait pensé à Tom Selleck dans le rôle d’Indiana Jones et à Jacques Dutronc dans celui de Belloq, le méchant archéologue français allié aux nazis. Et donc, un jour, peut-être qu’on verra vraiment un remake des Aventuriers de l’Arche perdue avec Tom Selleck et Jacques Dutronc, tous deux rajeunis par la magie informatique. Ou peut-être aussi que Netflix finira par financer l’adaptation du script de Dune par Jodorowsky. Ou s’arrangera pour sortir des versions le plus fidèle possible de films perdus, comme Batman contre Dracula ou Him, un porno gay mettant en scène Jésus. Tout est possible. Et personnellement, ça me fait plus soupirer, voire même carrément peur, que vraiment envie.

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