À la télé cette semaine: Gloria, Sally4ever, Queercore, The Americans…

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Les séries, films, documentaires et émissions à pointer du doigt, du 16 au 22 février.

CHABROL, L’ANTICONFORMISTE

Documentaire de Cécile Maistre-Chabrol. ***(*)

Dimanche 17/2, 22h40, Arte.

À la télé cette semaine: Gloria, Sally4ever, Queercore, The Americans...
© DR

« Contrairement à beaucoup de cinéastes qui ne filment que les pauvres, un milieu qu’en général ils ne connaissent pas, lui filmait le milieu qu’il connaissait », dit de lui l’historien du cinéma Pascal Mérigeau. Cinquante-huit films en 50 ans. Chefs-d’oeuvre, commandes et navets. Claude Chabrol fut à la fois figure de la Nouvelle Vague et auteur populaire. Peut-être, sans doute, parce qu’avec humour et cruauté, il tirait à vue sur les puissants, les arrogants, les bien-pensants et les cons. « Tourner quoi qu’il en coûte. Tourner pour défier son unique peur. Celle de la mort. » Lui qui a failli ne jamais connaître la vie, ses parents ayant manqué de mourir d’asphyxie alors que sa mère était enceinte, les médecins conseillant même l’avortement. La réalisatrice de Chabrol, l’anticonformiste connaît bien son sujet: elle a fait partie de ses techniciens pendant 25 ans et n’est autre que sa belle-fille. Monique Pinçon-Charlot, Michel Piccoli, Benoît Delépine, François Cluzet ou encore Isabelle Huppert pimentent de leurs commentaires ce docu rythmé par des extraits de films (Betty, Les Fantômes du chapelier, Les Noces rouges, Que la bête meure, Les Bonnes Femmes, Masques, La Cérémonie…), des photos noir et blanc et des bouts d’interview… Familial et savoureux. J.B.

THE AMERICANS (SAISON 2)

Série créée par Joe Weisberg. Avec Matthew Rhys, Keri Russell, Holly Taylor. ****

Lundi 18/2, 22h20, Club RTL.

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La diffusion sur une chaîne non cryptée de cette série qui a tiré sa révérence au printemps dernier, après six saisons, permettra -souhaitons-le- au public de lui accorder la place qu’elle mérite: sur le podium des plus importantes réalisations de la décennie. Cette histoire, à la fois classique sur la forme mais brutale et subtile dans le fond, suit un couple d’espions soviétiques, Elizabeth (Keri Russell) et Philip (Matthew Rhys), infiltrés dans l’Amérique des années 80 et sa bonne société middle class, au plus fort de la guerre froide. Avec leurs enfants, ils incarnent la parfaite famille de l’American way of life, mais en réalité ils sont une construction du KGB. Outre les missions périlleuses, les trahisons et les rebondissements sanglants, c’est l’introspection du couple qui sous-tend les intrigues de cette deuxième saison brillante. Les crises révélant en sous-texte les interrogations profondes de la notion de famille, sacro-sainte aux USA, et portant à la lumière la cage dorée de son modèle puritain et consumériste. N.B.

LE TIGRE DU BENGALE

Film d’aventures de Fritz Lang. Avec Debra Paget, Paul Hubschmid, Walther Reyer. 1959. ****

Lundi 18/2, 23h35, France 5.

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Henri Mercier s’est rendu en Inde à l’invitation du richissime et puissant maharadja d’Eschnapur (une ville imaginaire). Lequel veut lui confier des travaux dans son vaste palais. En chemin, le visiteur sauve une jeune danseuse des griffes d’un tigre. Seetha est elle aussi attendue chez le maharadja. Sur fond de rivalité amoureuse, Fritz Lang nous offre un film d’aventures exotiques aux images fascinantes, superbement mises en scène. Le vétéran (Metropolis remonte à 32 ans) prend certes bien des libertés avec le contexte culturel hindou, suivant en cela le texte du roman de son ex-maîtresse Thea von Harbou paru en 1921. Mais c’est un fantasme qu’il veut nous donner à voir, pas la réalité. L.D.

HALE COUNTY, JOUR APRÈS JOUR

Documentaire de RaMell Ross. ***(*)

Lundi 18/2, 00h10, Arte.

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© IDIOM Film/Courtesy RaMell Ross

En course pour les Oscars dans la catégorie Meilleur documentaire, Hale County est un film mosaïque. Il raconte la vie de deux hommes et de leurs familles dans ce petit comté d’Alabama. D’un côté, Daniel, étudiant, espère que le sport pourra le sortir de la pauvreté. De l’autre, Quincy se bat au jour le jour pour sa famille. D’autant plus nécessaire que sa femme, Bootsie, est enceinte de jumeaux. RaMell Ross a suivi pendant cinq ans cette communauté afro-américaine. Et de ces images, il signe un documentaire poétique, esthétiquement réussi et excessivement lent. Hale County suit les événements les plus anodins et les plus tragiques. J.B.

GETTING ON

Série créée par Jo Brand, Joanna Scanlan et Vicki Pepperdine. Avec Laurie Metcalf, Alex Borstein, Niecy Nash. ***(*)

Mardi 19/2, 20h30, Be Series.

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© LACEY TERRELL

La formidable série britannique The Office avait réussi son adaptation américaine -à quelques détails près. Son pendant en milieu hospitalier, Getting On, a fait pareil il y a cinq ans lorsque ses créateurs, Jo Brand, Joanna Scanlan et Vicki Pepperdine, ont accepté de livrer une version US de cet objet satirique qui réussit à capter un fait trop souvent passé sous silence: la souffrance du personnel hospitalier. Cinq ans avant Hippocrate en France, sur un ton résolument décalé, Getting On dépeint le quotidien désabusé du département gériatrique d’un hôpital ordinaire, dont les membres (médecins, infirmières, aides-soignants…) sont dans un état de décomposition psychique avancé. Dans une ambiance globalement glauque, oppressée, évoquant les burn-out à répétition observés dans la réalité, la série prend le contre-pied de l’image qui a prévalu dans toutes les fictions cliniques. Là où les patients souffrent dans leur chair, le staff souffre dans son âme, s’agrippe aux dérisoires signes de reconnaissance d’un métier rendu de moins en moins gratifiant et efficient par les coupes budgétaires et le règne de la rentabilité. Dans ce tonneau des Danaïdes d’où s’échappent les meilleures volontés, le professionnalisme surnage, l’humanité barbote comme elle peut et la comédie grinçante fait mouche. On rit. Jaune, mais on rit. N.B.

PYONGYANG S’AMUSE

Documentaire de Patrick Maurus et Pierre-Olivier François. ***(*)

Mardi 19/2, 22h45, Arte.

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© ALEGRIA PRODUCTIONS

Ubu, Orwell, paranoïa, schizophrénie, goulag, dynastie rouge, danger atomique… On nous répète qu’on ne peut pas y aller. Que si on y va, on ne peut rien y voir. Et qui si on y voit, c’est uniquement ce que l’on veut bien nous y montrer… Mais que sait-on vraiment de la Corée du Nord? Ce pays mystérieux et si dangereux dirigé par Kim Jong-un? Le documentaire de Patrick Maurus et Pierre-Olivier François lève un coin du voile et combat les idées reçues (ni prisonnier ni rampe de missiles ici) pour nous montrer que oui, on rit et on se divertit aussi chez les Nord-Coréens. On déconne dans les parcs aquatiques et on joue au bowling… Superbement filmé, tourné sur huit ans et 40 voyages, Pyongyang s’amuse parle de mariage, d’éducation (pays alphabétisé à 100%) et de compétitions sportives. De service militaire (un, deux ou sept ans), de films de guerre diffusés à la télé nationale et des passe-temps des retraités. Il évoque même ces mosaïques vivantes qui demandent des semaines d’entraînement avant les grands défilés… Une escapade déconcertante là où vous n’irez sans doute jamais. J.B.

LE PROF DE GYM

Documentaire d’Anne Hirsch. ***(*)

Mardi 19/2, 00h50, France 2.

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© dr

Cette salle n’a rien d’une salle de gym. Et ce prof n’a pas grand-chose du prof de gym non plus. La mission qu’il s’est assignée, année après année: transformer un cours désespérant pour les pubères en dialogue malaisé avec leur corps et leur place dans ce monde en un espace de liberté, d’émancipation, de création, de rencontre avec soi et l’autre. Les peurs et l’histoire de chacun. Chaque année, il embarque ses élèves dans un projet fou: créer un spectacle de danse contemporaine à l’air libre. Yves Le Coz est de ces professeurs passionnés qui remettent sans cesse leur métier sur l’ouvrage. Un héros transmetteur persuadé que l’imagination, la connaissance et l’amour de soi -et donc des autres-, ces valeurs que devrait véhiculer l’école, passent par le corps. Dans son établissement réputé « sensible », il apprend à ses élèves à apprivoiser le leur. Passés les premiers ricanements, au fil des cours, des ateliers, des exercices, les ados se délient, dansent. Et de nouveaux horizons, insoupçonnés pour la plupart, s’ouvrent à eux. Mois après mois, dans un style un peu trop classique pour son sujet, la caméra suit cette évolution, entrecoupée des propos de l’enseignant, drôle d’animal hirsute aux yeux d’un bleu ultramarin. Le résultat est poignant, émouvant, quelque part entre Le Cercle des poètes disparus, Entre les murs et Billy Elliot. Mais en vrai. N.B.

GLORIA

Drame policier de John Cassavetes. Avec Gena Rowlands, John Adames, Julie Carmen. 1980. ****(*)

Mercredi 20/2, 20h55, Arte.

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Gena Rowlands ne fut pas seulement l’actrice préférée de John Cassavetes, ces deux-là furent un couple dans la vie comme au cinéma, et partagèrent tout, nourrissant leurs oeuvres, commune et respectives, d’un intense et généreux vécu. Deux films sont particulièrement emblématiques de leur travail ensemble: Une femme sous influence (1974) et son lent glissement vers la folie, et ce Gloria de 1980 proposé par Arte en prélude à un superbe documentaire (lire ci-dessous) consacré à Rowlands. Laquelle interprète ici une ex-call girl que les circonstances amènent à protéger -d’abord contre sa volonté- un enfant que recherche et menace la mafia. Dans un New York vibrant, inquiet, Cassavetes filme avec fièvre son surprenant duo. Et trace, avec sa comédienne complice, un inoubliable portrait de femme résistante, courageuse, irréductible. Superbe et bouleversant. L.D.

GENA ROWLANDS. ACTRICE ET MUSE PAR AMOUR

Documentaire de Sabine Carbon. ***(*)

Mercredi 20/2, 22h55, Arte.

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Couronnée d’un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière en 2015, partenaire de jeu des non moins inoubliables Peter Falk, Kirk Douglas ou de son John Cassavetes de mari, Gena Rowlands est probablement l’une des plus grandes actrices américaines encore en vie. Elle, qui souligne l’aubaine d’avoir pu vivre au moins « 100 vies différentes », aura contribué à l’apogée du cinéma indépendant américain et voyagé au plus loin de ce que permet l’art dramatique. Ce documentaire de Sabine Carbon, intime et révérencieux, lève le voile sur le bouillonnant couple, incarnation purement hollywoodienne et pourtant si éloignée des standards de la profession, animé de cette volonté farouche de saisir la téméraire opportunité de faire exactement ce à quoi ils aspiraient tous deux. Indissociables, tant dans la vie privée que le travail: il est ici tant question de Gena que de John, incomparable plaisir. Un portrait brut, réel et attachant de cette indépendante au cinéma comme dans la vie, qui a su goupiller l’élégance et la folie comme personne. M.U.

SALLY4EVER

Série créée par Julia Davis. Avec Catherine Sheperd, Julia Davis, Alex Macqueen. ****

Jeudi 21/2, 20h30, Be 1.

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Nous nous étions déjà extasié, dans ces pages, sur l’humour féroce, irrévérencieux et sexy de Julia Davis, actrice, scénariste et réalisatrice quinqua et britannique particulièrement prolixe (une demi-douzaine de séries TV hilarantes et bien troussées). Comme ses autres fictions, Sally4Ever pince les codes de la féminité, les injonctions à la maternité, les carcans physiques et psychiques des femmes -les hommes sont tout autant arrosés d’un sarcasme qui fait effet miroir. Incarnée par une Catherine Spheperd déroutante, Sally est une jeune quadra coincée et bien trop conciliante avec son mari David (Alex Macqueen), avec qui elle vit une vie morne, seulement troublée par les outrances de sa mère ou les malheureuses tentatives de son époux de redonner du piment à leur couple (se grimer en cambrioleur pour feindre un viol, c’est moyen, convenons-en). Alors débarque Emma (jouée par Davis), actrice tricarde, danseuse de discothèque à la vie dissolue, qui va mettre sens dessus dessous celle, bien rangée, de Sally et de son mari. Délicieusement borderline. N.B.

44E CÉRÉMONIE DES CÉSAR

Cérémonie présentée par Kad Merad.

Vendredi 22/2, 20h10, Be 1.

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© dr

Après Manu Payet, ce sera cette année à Kad Merad de rendre la cérémonie des César un peu moins pénible qu’à l’habitude. Décontraction? Tentative de rajeunissement? Début du mois, Canal+ dévoilait une bande-annonce dans laquelle la star de Bienvenue chez les Ch’tis incarnait autour d’une table tous les membres de sa famille. Clin d’oeil à peine voilé à un récent clip d’Orelsan. Comédie populaire et gros succès au box office, Le Grand Bain de Gilles Lellouche sur des cabossés de la vie qui font de la natation synchronisée est avec Jusqu’à la garde de Xavier Legrand (qui traite des violences conjugales) le seul film en lice pour dix prix. Suivi de près par Les Frères Sisters de Jacques Audiard et En Libertéde Pierre Salvadori (neuf nominations). Virginie Efira est nommée deux fois. Dans les catégories meilleure actrice (où elle retrouvera Cécile de France) et meilleure actrice dans un second rôle. Tandis que Girl et Nos batailles concourront pour le titre de meilleur film étranger. La cérémonie sera présidée par l’actrice britannique Kristin Scott Thomas. J.B.

QUEERCORE: QUAND LES GAYS EMBRASSENT LE PUNK

Documentaire de Yony Leyser. ****

Vendredi 22/2, 00h10, Arte.

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Des anarchistes aux conservateurs, de l’extrême gauche à l’extrême droite, le punk a depuis sa naissance été associé aux idéologies les plus diverses. Si le courant musical et culturel compte en ses rangs éparpillés son petit lot d’homophobes, il possède aussi sa frange homosexuelle. « À l’origine, la scène punk est assez radicale et variée au niveau de la sexualité, raconte Bruce LaBruce dans le documentaire de Yony Leyser. C’était une période d’exploration et d’ambivalence. Il y avait la bisexualité, la transsexualité… Le problème avec la scène gay du milieu des années 80, c’est que ce petit monde était bien trop bourgeois et conventionnel. » Rejeté par deux sous-cultures (gay et punk), l’écrivain, photographe et réalisateur canadien qui s’est toujours senti en marge de la marge, a bâti sa propre scène à Toronto. Une scène où allaient se retrouver « les trans, les pédés et les gouines. Tous ceux qui s’opposaient à l’esprit petit bourgeois du monde gay traditionnel. Mais aussi à l’univers macho des punks qui étaient moins radicaux qu’ils voulaient le faire croire et qui ne supportaient pas l’homosexualité. » Le documentaire, passionnant, de Yony Leyser retrace la genèse de l’homocore (son petit nom) et questionne la relation entre punk et homosexualité à travers l’Histoire. L’occasion notamment de croiser John Waters, Kathleen Hanna (Bikini Kill), Jon Ginoli (Pansy Division) et Peaches… J.B.

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