À la télé cette semaine: Congo Lucha, Transparent, Nebraska…

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Docus, films, séries: notre sélection télé pour la semaine du 8 au 14 décembre.

CONGO LUCHA

Documentaire de Marlène Rabaud. ****

Samedi 8/12, 21h05, La Trois.

À la télé cette semaine: Congo Lucha, Transparent, Nebraska...
© DR

C’est l’histoire d’une révolte. Une révolte nécessaire menée au Congo par des jeunes gens déterminés. C’est l’histoire d’un combat qu’ils veulent sans violence mais guidé à la force des idées. On est à Goma, où des citoyens sans armes ni étiquette politique ont décidé de s’élever contre leur président. En décembre 2016, le second mandat de Joseph Kabila a expiré mais le dirigeant et son régime multiplient les stratagèmes pour s’agripper envers et contre tout au pouvoir. Fondée en 2012, La Lucha (comprenez lutte pour le changement) milite contre le maintien au pouvoir de Joseph Kabila et pour la tenue d’élections. La Lucha rassemble des jeunes Congolais de tous milieux, origines et religions. Des gens qui ont conscience de leurs droits et veulent passer à l’action pour les réclamer dans un pays où la plus élémentaire démocratie est en danger. Défenseurs des droits humains, ils rêvent d’un Congo nouveau: « véritablement indépendant, uni, démocratique, paisible et prospère ».

Spécialiste de la RDC (elle y a commencé comme reporter d’images pour Reuters, TV5, la RTBF et France 24), Marlène Rabaud y a suivi la guerre pendant des années et aussi réalisé la plupart de ses documentaires (Kafka au Congo, Meurtre à Kinshasa, Adieu l’enfer). Ici, elle suit au plus près un mouvement indépendant qui ne cherche pas le pouvoir. Un mouvement indépendant que la Constitution autorise à manifester mais dont les membres se font souvent arrêter et qui ont parfois droit à de longs mois de détention avant d’être relâchés. Si Espoir, un chroniqueur très suivi à Goma qui a rejoint les rangs de La Lucha, a été libéré en piteux état, Rebecca a maintenant un casier judiciaire et n’a plus le droit de poursuivre des études. Voilà ce qu’on risque quand on se met dans le chemin de Kabila… Marlène Rabaud a suivi pendant quasiment trois ans cette jeunesse revendicatrice qui, tout en criant son mécontentement, aide les quartiers sinistrés, répare les routes, nettoie les caniveaux et balaie les rues. Elle filme les déboires avec les forces de l’ordre qui quadrillent le pays et tentent d’éteindre toute contestation du pouvoir en place. Elle raconte une région aux infrastructures en déliquescence et la peur qui pèse sur la population. À l’approche des élections congolaises fixées (enfin) au 23 décembre, la RTBF proposera aussi Mobutu roi du Zaïre, Kongo, coeurs noirs hommes blancs ou encore Kinshasa Kids. J.B.

LE COMBAT DE NADIA MURAD

Documentaire d’Alexandria Bombach. ***(*)

Dimanche 9/12, 23h55, Arte.

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Le 5 octobre dernier, le prix Nobel de la paix 2018 était attribué à deux personnalités ayant lutté sans relâche contre les violences sexuelles utilisées comme armes de guerre. Le gynécologue Denis Mukwege, qui depuis 30 ans répare les victimes de viol, et la jeune femme yézidie martyrisée par Daech Nadia Murad. Nadia avait 21 ans quand L’État islamique est entré dans son village, a tué, emprisonné ou réduit à l’esclavage sexuel 18 membres de sa famille. Revenue de l’enfer (elle a réussi à s’évader après de longs mois de calvaire), Murad a trouvé refuge en Allemagne et n’a cessé depuis de prendre la parole et de répéter sa douloureuse histoire devant les politiciens et aux médias les plus influents. Le documentaire d’Alexandria Bombach suit avec beaucoup de pudeur la courageuse Irakienne dans ses rencontres officielles et au quotidien. Raconter et raconter encore les horreurs qu’elle a subies pour ouvrir les yeux du monde sur le sort funeste des Yézidi(e)s. Un peuple attaqué à cause de sa foi, persécuté et massacré par de violents extrémistes. Plus jeune nobélisée de l’Histoire, jeune femme qui rêvait d’ouvrir un salon de beauté aujourd’hui catapultée porte-parole d’une communauté, Nadia Murad a écrit Pour que je sois la dernière, retraçant son parcours tragique. Quelque 3 200 femmes et fillettes yézidies sont encore retenues en captivité dans les prisons de Daech. J.B.

TRANSPARENT (SAISON 4)

Série créée par Jill Soloway. Avec Jeffrey Tambor, Gaby Hoffmann, Jay Duplass. ****(*)

Lundi 10/12, 20h30, Be Series.

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Lorsque la première saison de Transparent a vu le jour, en 2014, le monde n’était pas tout à fait le même. Les femmes et les trans, les queer et les non-binaires étaient à peine, sinon pas du tout, situés sur la cartographie des genres, des sexualités, des identités. De l’existence pleine et entière. En donnant naissance au personnage de Maura Pfefferman, une femme trans septuagénaire (incarnée par un déchirant Jeffrey Tambor), la showrunneuse Jill Soloway leur a donné une place sur la carte du monde des séries. Ce faisant, fidèle à l’idée que lorsqu’un élément du système change de place, tout le système se transforme, elle a redéfini l’image et la fonction de la famille. Celle de Maura aura embarqué dans une odyssée transformatrice poignante mais non dénuée d’embûches. Cette quatrième saison travaille le renoncement, le deuil, l’acceptation de son corps et de celui d’autrui alors que la famille Pfefferman part dans un road-trip en Israël. Sublime, Transparent est radicale à plus d’un titre. N.B.

UNE CHAMBRE EN VILLE

Drame musical de Jacques Demy. Avec Dominique Sanda, Richard Berry, Michel Piccoli. 1982. ****

Lundi 10/12, 21h00, TV5.

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Les Parapluies de Cherbourg (1964) et Les Demoiselles de Rochefort (1967) sont les plus connus des films « en chanté » de Jacques Demy. Réalisé en 1982, Une chambre en ville n’a pas laissé une trace aussi profonde. Il n’en reste pas moins une belle réussite, incomprise à l’époque sans doute à cause de son audace d’aborder par le biais de la comédie musicale des thèmes sérieux et graves tels la déchirure du couple et les luttes sociales. Situé à Nantes comme le sublime Lola, le film narre l’amour fou d’un ouvrier militant et d’une fille d’aristocrate, sur fond de manifestations et de tragédie privée. Assurément le film le plus sombre de son auteur, Une chambre en ville possède une force expressionniste des plus frappantes. Et si Michel Colombier, remplaçant le fidèle complice musical Michel Legrand, n’a pas le talent fou de celui-ci, on reste impressionné par la scène de confrontation dans la rue, où les manifestants chantent « Flicaille, racaille! » à l’unisson… L.D.

QUAND LES MULTINATIONALES ATTAQUENT LES ÉTATS

Documentaire de Laure Delesalle. ***(*)

Mardi 11/12, 22h30, Arte.

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Il y a un peu plus de deux ans, la Wallonie et son ministre-président Paul Magnette bloquaient momentanément la ratification par l’Europe du CETA, son inquiétant traité de libre-échange avec le Canada. L’acte de résistance mettait en lumière la place, l’opacité et l’extraordinaire pouvoir d’organes mystérieux: les tribunaux d’arbitrage internationaux… Ces endroits où les multinationales règlent leurs comptes avec les États et essaient de nous imposer leurs lois. Que cachent leurs procès à huis clos menés par de grands avocats d’affaires? D’où sort cette justice? Qui l’organise et qui nous y défend? Passionnant, consternant et franchement inquiétant, le documentaire de Laure Delesalle (La Dette, une spirale infernale) lève le voile sur ce dangereux dispositif dont nous, contribuables, payons tous la faramineuse addition. À travers trois affaires significatives et des écrans de fumée toxique, de la Colombie à l’Allemagne en passant par le Pérou, Delesalle épingle les montants de dédommagements fixés arbitrairement par des juristes sans aucune légitimité démocratique, la complicité entre les grandes entreprises et des gouvernements soucieux d’attirer les investissements étrangers mais aussi de voter des lois qui protègent la santé et l’environnement allant à l’encontre des intérêts de ces multinationales… Un décryptage indispensable et compréhensible, qui met en exergue la nécessité pour la société civile de veiller à ce que les États ne succombent pas aux lobbies… J.B.

L’IRRÉSISTIBLE ASCENSION D’AMAZON

Documentaire de David Carr-Brown. ***(*)

Mardi 11/12, 20h50, Arte.

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« Acheter n’importe quoi, n’importe où, n’importe quand », ainsi peut-on résumer Amazon. Pur produit de l’idéologie libérale, le géant tentaculaire de la vente en ligne a fait de son fondateur Jeff Bezos l’homme le plus riche du monde devançant désormais Bill Gates au classement Forbes avec une fortune avoisinant les 160 milliards de dollars. Le docu de David Carr-Brown raconte une entreprise qui transforme la société en profondeur et qui se rêve intermédiaire de tout ce qui se vend sur Internet. « Le but ultime de Jeff Bezos est de faire d’Amazon le fournisseur principal, l’acteur majeur de la vente et du déplacement des biens, explique l’un des nombreux experts présents dans ce documentaire. On ne parle pas que de commerce. Ça va de la publicité et la promotion de produits à la vente en passant par le transport et la logistique. » Tout en brossant le portrait de Bezos, qui avait repéré avant tout le monde qu’Internet passait de la sphère universitaire à la sphère des affaires et a commencé en vendant des livres sur le Net, L’irrésistible ascension d’Amazon (qui utilise pour métaphore Le Joueur de flûte de Hamelin) évoque entre autres les boulots sous-payés, le contournement des lois anti-trust et la rupture des relations sociales traditionnelles (quand l’argent circulait dans la ville)… Bons achats de Noël à tous! J.B.

CAMPING

Série créée par Lena Dunham et Jenni Konner. Avec Jennifer Garner, David Tennant, Juliette Lewis. ***

Jeudi 13/12, 20h30, Be Series.

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L’intérêt d’une série tient souvent à son premier rôle et à l’acteur ou l’actrice qui l’incarne. C’est sans doute idiot, mais ça n’en est pas moins vrai. Ça l’est en tout cas pour Camping, adaptation siglée HBO et signée Lena Dunham (Girls) d’une série anglaise de Julia Davis. L’originale était hilarante, sociale, sexy, mordante, montrant une famille urbaine redécouvrant les joies du camping, exposant ses travers multiples, éclatant ses certitudes bouffies. La transposant en Amérique, Dunham y raconte comment Kathryn (Jennifer Gardner) organise le 45e anniversaire de son mari Walt (David Tennant) dans un camping semi-pourave où vont se réunir les amis du couple, mais aussi des invités pas franchement bienvenus. Rien ne se déroulera comme prévu. Malgré quelques bons moments, cette satire des couples urbains venus s’abreuver de « réel » le temps d’un weekend, souffre de personnages caricaturaux et surtout de la prestation de Garner, agaçante et peu crédible en mère hélicoptère. N.B.

NEBRASKA

Comédie dramatique d’Alexander Payne. Avec Bruce Dern, Will Forte, June Squibb. 2013.

Jeudi 13/12, 22h35, La Trois.

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Woody Grant a gagné à la loterie. Mais il faut au vieil homme parcourir une longue distance dans l’Ouest américain pour aller toucher le million de dollars promis. Il va demander à son fils de l’accompagner. Quelques illusions se dissiperont en chemin, mais de belles rencontres et d’émouvantes retrouvailles feront aussi du voyage une expérience précieuse, valant bien des trésors… Alexander Payne réussit avec Nebraska un road movie intimiste de la meilleure eau. Le réalisateur de Sideways et de About Schmidt filme avec beaucoup de sensibilité, en harmonie avec le sujet et les personnages. Devant sa caméra pleine d’empathie mais aussi de juste retenue, Bruce Dern trouve -à 77 ans- son meilleur rôle. Son prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes 2013 était particulièrement mérité. Et il ne passa pas loin de l’Oscar quelques mois plus tard, se voyant de justesse préférer Matthew McConaughey pour Dallas Buyers Club. L.D.

MANU, L’HOMME QUI NE VOULAIT PAS LÂCHER SA CAMÉRA

Documentaire d’Emmanuelle Bonmariage. ***(*)

Vendredi 14/12, 20h50, La Une.

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© Clin d’oeil Productions

Le « père spirituel » de Strip-Tease est filmé par sa fille, et ça le fait râler. En tout cas, dans les premières minutes de ce documentaire qui suit les pas de Manu Bonmariage, réalisateur et producteur qui aura redéfini les canons du petit écran dans les années 80 et 90. Manu ne râle pas longtemps, juste de quoi donner une leçon de « cinéma direct », de cinéma vérité à Emmanuelle. Manu a toujours sa caméra au cou. Il filme. Il repasse par Chevron, village catholique où il a grandi, qu’il a fui mais où il voudrait reposer une fois la Grande Faucheuse venue. Il se filme. Emmanuelle le filme en train de se filmer. Il sait que la mort rôde, alors il se livre. Lui qui disparaissait derrière la caméra dans Allô Police, Ainsi soit-il ou les dizaines de Strip-Tease qu’il a réalisés (de Gustavine et Khalifa à Dorés sur trancheet Le Serment d’hypocrite) pour mieux laisser parler ses sujets, devient le sujet, cuisiné par sa fille. Des éléments biographiques, des histoires de tournage, une leçon de cinéma… Le documentaire familial est traversé d’extraits de l’oeuvre de Manu Bonmariage, qu’il commente en les regardant. La vision du très beau Les Amants d’assises le bouleverse. Testamentaire, poignant et foutraque, Manudéshabille peu son sujet mais donne envie de se replonger dans sa filmographie. Ça tombe bien: il sera suivi d’une nuit entière de rediffusion de Strip-Tease. N.B.

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