Julien Broquet

Bébé réalité

Julien Broquet Journaliste musique et télé

Tous les mardis, TF1 propose Baby Boom. Un docuréalité tourné à la maternité de Poissy. Souris bébé, t’es filmé.

La chronique de Julien Broquet

« On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille », chantait Le Forestier. On choisit pas non plus l’hôpital de Poissy, et les caméras de TF1 pour venir au monde et apprendre à téter. Le 23 août dernier, la chaîne privée française a diffusé le premier épisode de Baby Boom. Un nouveau bébé cloné sur le principe de One Born Every Minute, programme à succès de l’autre côté de La Manche diffusé sur Channel 4.

Pendant un mois, jour et nuit, 24 heures sur 24, la maternité de Poissy a été filmée en long, en large et travers par 40 caméras. Halls d’entrée, couloirs, salles de naissance, salle de repos du personnel… Rien n’échappe à l’oeil voyeur de TF1. Produit par Shine Production (MasterChef), Baby Boom, nous disent les programmes télé, c’est du docuréalité. « Un format qui raconte des histoires humaines et sociologiques », selon Endemol, spécialiste du genre.

S’il y a du documentaire là-dedans, on ne l’a pas encore trouvé. Baby Boom, c’est un bâtard de tout ce à quoi nous a habitués la chaîne privée. L’ambiance et le montage renvoient à Confessions intimes. Le dispositif est digne de Secret Story. Certains plans évoquent les fictions médicales à la Grey’s Anatomy (des visions aériennes de Paris by night) et la voix off est celle de Mérédith… Là où les pères encouragent leur moitié comme ils motiveraient une équipière de Koh-Lanta. Pour peu, quand les sages- femmes se font un petit gueuleton alors qu’une patiente hurle dans la chambre d’à côté, on se croirait dans un sketch des Inconnus. « Marie-Thérèse? Marie-Thérèse? »

Père Dural…

« Baby Boom retranscrit la réalité tout en adoptant un ton plus poétique », affirme en ayant l’air d’y croire Angela Lorente, directrice de la téléréalité sur la pire chaîne du paf. Ah, la poésie de la naissance. « C’est bizarre, ta foufoune, elle est enflée. » « Je peux rien faire mais t’inquiète, il va arriver le père Dural. » « T’as vu le papa? Il transpire autant que la maman. » Et on vous passe les détails sur celle qui serre les valseuses de son mari en pensant lui tenir la main.

Pas d’images chocs (la scène est juste racontée par une infirmière à ses collègues) de mères qui se font recoudre… Baby Boom, c’est de la téléréalité soft. « Feuilletonniser » la vie quotidienne d’une maternité, quoi de plus attractif pour la ménagère de moins de 50 ans (36 % de parts de marché). Au total, l’émission a attiré 2,3 millions de téléspectateurs. Un programme tout pourri de plus ou de moins qui cartonne, me direz-vous, rien de neuf sous le soleil artificiel de TF1… D’autant que s’immiscer dans la sphère privée et briser l’intimité est depuis longtemps le fonds de commerce de la chaîne. Et que, par-dessus le marché, ces parents ont accepté de se donner en spectacle.

Il y a cependant quelque chose de franchement flippant avec ce Baby Boom. Ces gamins kidnappés par la téléréalité, happés par les caméras, à peine sortis du bide de leur mère. On n’en est pas encore au Truman Show, à une vie toute entière filmée « à l’insu de son plein gré » mais sûr que dans 15 ans, il y aura des crétins pour poster les vidéos de la naissance de ces gosses sur leur page Facebook. Merci papa, merci maman… Et merci TF1.

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