Critique | Musique

L’album de la semaine: Sia – 1000 Forms of Fear

Sia © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

POP | Auteure de tubes pour Katy Perry, Rihanna & co, Sia revient avec un disque perso. Toujours angoissée, mais avec une science du hit désormais parfaitement rodée.

Ce n’est pas une chanson, c’est carrément un Himalaya. Il y a quelques semaines, Sia sortait Chandelier, single bigger than life qui joue l’ascenseur émotionnel. Un tube déraisonnable en forme de montagnes russes, qui ne se refuse aucun drame, aucun excès, certainement pas vocal -on imagine déjà les prochains candidats de télécrochets type Nouvelle Star s’y fracasser joyeusement…

Ce n’est pas le seul morceau à tourner en boucle pour l’instant, et sur lequel Sia Furler a mis la main. L’Australienne (Adelaïde, 1973) a en effet co-signé… We Are One (Ole Ola), abominable hymne officiel de la Coupe du monde. Vous avez dit grand écart? Il résume en tout cas bien la récente trajectoire de Sia, devenue ces dernières années l’une des plumes les plus demandées par l’internationale pop, de Rihanna (Diamonds) à Beyoncé (Pretty Hurts), en passant par Katy Perry, Christina Aguilera, Britney Spears, Flori Da, David Guetta…. L’appât du gain? Plutôt de la compulsivité, un besoin viscéral de vomir les hymnes épiques et les mélodies XXL, pour apaiser les tourments intérieurs. Avec ses propres disques (cinq en tout depuis 1997), Sia a toujours utilisé la musique comme exutoire. Plus plombés, ses albums la présentaient cependant comme une pop star alternative (Clap Your Hands, Breathe Me), personnalité torturée, balançant ses angoisses en technicolor. Depuis We Are Born, en 2010, et ses hits écrits pour les autres, son statut a cependant un peu changé…

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Premier disque perso en quatre ans, 1000 Forms of Fear voudrait faire croire que le succès, même retranché en coulisses, n’apaise aucun démon. Derrière la performance pop implacable, Chandelier transpire d’ailleurs la déglingue. « Keep my glass full until morning light », suggère la chanteuse. Pas d’ode triomphale, juste la déprime alcoolisée. On ne s’étonne d’ailleurs pas de la retrouver ici en duo avec The Weeknd, adepte d’un r’n’b neurasthénique (Elastic Heart).

Si la mélancolie est donc toujours là, les chansons de Sia n’ont cependant jamais visé aussi large. Elles continuent de craqueler ici et là (la voix éraillée, au bord de la rupture, sur Hostage), mais Sia, désormais habituée aux sommets des charts, n’a plus peur de jouer le jeu. Quitte d’ailleurs à réduire son image à sa blondeur (voir la pochette), coupe au bol de dessin animé qui est autant une manière de se planquer (elle refuse toute photo de face), qu’un tic visuel facile à marketer. A force d’écrire pour les autres, Sia se met également à leur ressembler. Katy Perry (Fire Meet Gazoline), Lily Allen (Burn The Pages), Haim (Free The Animal) ou même Lana Del Rey (Fair Game): c’est toute la pop féminine actuelle qui défile. C’en est troublant au point de se demander jusqu’à quel point Sia est ici dans la citation, voire dans un discours « méta »-pop (« Party girls don’t get hurt », glisse-t-elle dans Chandelier, dont les premières notes sonnent à s’y méprendre comme du… Rihanna). Une bonne partie du plaisir de 1000 Forms of Fear dépendra d’ailleurs de l’intérêt que l’on portera à ce jeu de pistes. Un peu comme si les stars passaient les unes après les autres sous le « bob » blond tourmenté de Sia (comme Lena Dunham par exemple sur le plateau télé de Seth Meyers), une sorte d’album Panini de la pop mondiale. Le principe étant que, sous le refrain cheesy, le mélodrame n’est jamais très loin. On ne change pas une mélancolique qui gagne…

  • DISTRIBUÉ PAR SONY.

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