Critique

[À la télé ce soir] Jacques Brel: fou de vivre

© © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Dépourvu du moindre témoignage, ce documentaire riche est bâti sur une collection plutôt hallucinante d’archives.

Ça commence avec un concert d’adieu à l’Olympia. On est en 1966. Le Belge a 37 ans et est pourtant au sommet de son art et de sa gloire. À New York, il devient d’ailleurs le héros d’une comédie musicale, Jacques Brel est bien vivant et habite à Paris. Même en Amérique, la plus grande bête de scène de l’histoire de la chanson française est devenue un sujet de légende. « Je suis très souvent à un doigt de l’évanouissement. Mais j’ai des gros doigts et c’est ça qui compte », sourit-il de ces prestations dont il sort aussi dégoulinant et exténué qu’on s’extirpe d’une piscine après cinquante longueurs. Documentaire de quasiment deux heures, Jacques Brel: fou de vivre repose sur un parti pris intéressant. Dépourvu du moindre témoignage, il est bâti sur une collection plutôt hallucinante d’archives, entrecoupées par des séquences en dessin animé. Ressemblant quelque part à un autoportrait mais que quelqu’un d’autre aurait réalisé. Le père qui dirige à Bruxelles une grande cartonnerie avec une centaine d’ouvriers. Les écoles religieuses, le monde des abbés et l’élève qui double trois fois même s’il excelle en français. Le théâtre avec la troupe de son école, les spectacles dans les hôpitaux pour des anciens prisonniers… Il y a d’abord l’enfance et la découverte du spectacle vivant. Le mec marié à 21 ans, papa à 22, responsable commercial dans l’entreprise familiale qui chante le soir dans les greniers à chansons. Puis il y a l’aventurier déterminé. Celui qui part pour Paris avec sa guitare et 23 morceaux. S’ouvre le chemin des cabarets avec 80 auditions… Et évidemment la métamorphose. Sa rencontre avec le musicien François Rauber et avec Georges Pasquier qui deviendra son assistant, son gardien, son critique, son confident… Ponctué par de longs et nombreux extraits de chansons, le docu de Philippe Kohly raconte le mec qui exprime ce que les autres n’osent pas (« Ne me quitte pas est un hymne à la lâcheté et se demande jusqu’où un homme peut s’humilier »), celui qui donne des galas gratuits pour les malades et les étudiants. Mais aussi le mec misogyne, ses habitudes dans les lieux de passe (« l’abbé Brel au bordel ») et l’artiste qui vomit de peur avant chaque tour de chant. Un récit riche qui n’oublie pas le cinéma et s’éteint avec la tumeur au poumon (il fumait quatre paquets de clopes par jour) qui l’enverra en 1978 à la tombe.

DOCUMENTAIRE DE PHILIPPE KOHLY. ***(*)

Ce vendredi 3 janvier à 21h05 sur La Une.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content