Ultramajic: un label plein de magie

Le logo d'Ultramajic, label de Jimmy Edgar. © DR
Tanguy Labrador Ruiz

Véritable esprit précoce de la techno, Jimmy Edgar a grandi dans les raves de Détroit des 90’s et dirige aujourd’hui le label Ultramajic à l’âge de 29 ans. Alors qu’il vient de sortir un nouvel EP, Saline, retour sur un parcours électronique fulgurant.

En 2014, certains s’inquiètent de voir la techno tourner en rond, d’user ses clichés à l’extrême et d’oublier d’où elle vient et sa raison d’être. La label Ultramajic, fondé par le jeune Jimmy Edgar prouve le contraire avec des productions éclectiques, novatrices et diablement efficaces.

Originaire de Détroit, habitant à Berlin, Jimmy Edgar semble résumer un pan entier de l’histoire de la techno par son propre vécu. Fasciné par la musique depuis toujours, il était déjà touche-à-tout à l’âge de 15 ans: batteur, claviériste (il jouait du clavier dans une église baptiste), saxophoniste et intrigué par le numérique. Jimmy Edgar est né en 1983 à Détroit, soit à peu près en même temps et au même endroit qu’un courant musical aujourd’hui omniprésent qui, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ne l’a pas influencé tout de suite.

Jimmy Edgar, fondateur d'Ultramajic.
Jimmy Edgar, fondateur d’Ultramajic.© Vitali Gelwich

En effet, alors que la bande à Derrick May, Juan Atkins et autres Jeff Mills et Kevin Saunderson faisaient danser Détroit, Jimmy Edgar écoutait du funk, du hip-hop et du rock, passant à côté de ce qu’il considérait comme un effet de mode. Jusqu’au jour où il se retrouva devant Juan Atkins en train de mixer, de « faire de la musique avec de la musique » et de lui faire découvrir un univers nouveau qui changea sa vie. La même année, à l’aide d’un ami qui possédait des connaissances bien placées, Jimmy Edgar se retrouva de l’autre côté de la scène, à jouer avec May, Saunderson et Atkins dans des raves qui resteront gravées dans l’histoire de la musique.

Trois ans plus tard à peine, il signe chez Warp records (le label de Boards of Canada, Aphex Twin, Brian Eno, Flying Lotus…) et y passe quelques années qui seront fructueuses en matière d’apprentissages, de productions (Access Rhythm, Bounce Make Model EP…) et de tournées.

En 2007, il déménage à New York et travaille sur différents projets: X District (avec Laura Clarke), une collaboration avec The Beta Band’s Steve Mason, Plus Device…

Ensuite, guidé par une volonté de se concentrer à nouveau sur lui-même, il se sépare en bons termes de Warp et sort son album XXX en 2010 sur !K7 records et sa notoriété s’affirma encore davantage avec des singles comme Hot, Raw, Sex et Turn You Inside Out qui firent trembler pas mal de sols crasseux piétinés en rythme par un public très réceptif à son travail.

La pochette de l'album Majenta de Jimmy Edgar.
La pochette de l’album Majenta de Jimmy Edgar.© Pilar Zeta

Lancé dans la production, il enchaîne en 2012 avec l’album Majenta, dont l’artwork a été élaboré par le designer Pilar Zeta et qui montre parfaitement l’intérêt que porte Edgar pour la spiritualité, les sciences occultes et la technologie. Différents domaines qui influencent de manière ostentatoire la majorité de ses productions, ce qui n’est pas sans rappeler un certain Jeff Mills, lui aussi habité par une spiritualité très vivace.

C’est en 2013 qu’il fonde finalement Ultramajic (un nom inspiré d’un épisode de X-Files) à la fois label et collectif d’artistes, avec son ami et collaborateur Machinedrum. Véritable synthèse de son parcours, la label prône une image graphique originale et Edgar use avec ruse de ses talents de photographe de mode (il a d’ailleurs été récompensé dans ce domaine). Dans une interview donnée à Thump, il expliquait cette démarche: « The plan from the beginning was to merge a very specific look and feel to give music more of a visual domain to live in. It was invented to be a home for all of our work in a very focused way. Ultramajic is the sort of magnifying glass to our sunlight. » (depuis le début, l’idée était de fusionner un aspect très spécifique et le sentiment de donner à la musique un domaine visuel pour s’émanciper. Cela a été inventé pour être un refuge pour tout notre travail d’une manière très précise. Ultramajic est en quelque sorte la loupe de notre soleil). En un an, le label a déjà fourni un nombre impressionnant de sorties, toutes qualitatives et rafraichissantes pour l’univers de la techno. On retrouve des productions de Jimmy Edgar, Danny Daze, Bobmo, French Fries, Bambounou, Aden… Des artistes qui proposent une musique ensorcelante, hypnotisante, mais jamais barbante. On retrouve des cathédrales de son ambient et electronica qui s’effondrent par la suite à coup de beats bien placés, de références funk et électro et de samples entêtants.

Jimmy Edgar lui-même vient d’ailleurs de sortir son EP Saline, soit 4 morceaux qui ne pourront que convaincre ceux qui n’ont encore jamais entendu parler de lui. Le single Burn organise une joyeuse partouze entre acid, hip-hop et techno et son Decalcify trouvera sans aucun doute sa place dans un DJ set percutant de Gesaffelstein ou de Daniel Avery.

À 29 ans, Jimmy Edgar peut se targuer d’avoir une indépendance totale et un contrôle maximum sur sa musique, de proposer une conception intéressante de la notion de label, et surtout, de bousculer un peu les DJ sets mous du genou et convenus qui ont tendance à devenir la norme dans nos clubs. De quoi rassurer les plus sceptiques quant au futur de de la musique électronique.

Pour les amateurs et fans de la première heure, Jimmy Edgar sera présent à I Love Techno le samedi 8 novembre prochain. Ambiance garantie.

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