Serge Coosemans

RTBF DJ Experience: « Tout ce qui est mauvais pour nous est bon pour l’article! »

Serge Coosemans Chroniqueur

Féroce, pute, outrageant, trash, ricanant, méfiant, défiant, boucheur de coin, négativiste et arnaqué, revoici Serge Coosemans foutu dehors la nuit pour une nouvelle saison de Sortie de Route.

Il est à peine 23h30 ce vendredi à la RTBF DJ Experience et je ressens déjà sur mes épaules tout le poids d’un monde duquel je ne fais pas partie, duquel je ne désire pas faire partie, jamais, plutôt nettoyer Fukushima. Du people fonctionnaire, le genre à garder la sécurité de l’emploi même en cas d’audimat à un chiffre. De la cagole transformée en orange sous le soleil de Djerba. Des Twittos qui en cas de chute d’astéroïde se prendraient en photo devant la boule de feu fatale plutôt que de décamper à toute blinde. Nous, nous aimerions rire aux éclats et c’est d’ailleurs exactement ce pourquoi nous sommes venus: la visite du zoo, se taper du coude devant les cabrioles simiesques. Se moquer avec férocité, provoquer des incidents diplomatiques. Se faire offrir du champagne douteux et des scoops tout aussi douteux par quelques sympathisants salariés à Reyers. Livrer l’article de rentrée le plus pute, outrageant et trash possible. À l’ami qui me demandait ce qu’on allait fiche dans une soirée dont on n’aimerait à priori rien, ce fut d’ailleurs ma seule et unique réponse, leitmotiv qui servira sans doute d’arc narratif à toute cette seconde saison de Sortie de Route: tout ce qui est mauvais pour nous est bon pour l’article.

Et donc, nous voilà à Tour & Taxis à boire du rhum de pâtisserie (worst bar ever) en observant le cirque. N’étant pas des pigeons, on ricane du fait que les stands de sponsors prennent pas mal d’espace et transforment de fait la soirée dansante en succursale du salon de l’auto et en boutique de téléphonie. Distribution de gadgets à la con: une lampe qui se porte comme une bague, des macarons qui émettent une lumière rouge, des lunettes solaires ridicules, des boîtes de pastilles à la menthe qui trouent l’estomac… On croise un mec qui fait tout pour ressembler à Ryan Gosling mais serait à peine accepté comme mannequin chez E5 Mode, des petits lots de 15 ans boudinés dans des robes fluorescentes et des grandes saucisses de 30 qui portent la jupe par-dessus le pantalon, dur de faire plus tarte. Beaucoup de chemises à carreaux et de pulls sur les épaules aussi, genre casual friday au MR. Bruno Clément mixe en extérieur du reggae à de l’eurodance, sur le même principe improbable que son mélange d’investigation et de carabistouilles habituel. Lui ou d’autres animateurs, sur d’autres scènes, pareil : le choix musical peut être douteux ou trop facile mais il n’y a pas de bourdes graves, donc aucune raison de jeter des tomates ou de ricaner, dommage. D’où forcément l’ennui, très vite. Jean-Louis Lahaye gueule un moment au micro que l’on est pas loin des 15.000 personnes (6.000 selon les réservations Internet). Vrai ou pas, cela fait beaucoup de monde, trop de monde, et surtout trop de gens qui semblent sortir – l’arrogance, la gestuelle, la parole et l’accoutrement- de la Vérité si Je Mens 2 ou de Camping. Bref, du beauf au kilo, le tout compacté dans une fête pas assez nulle que pour provoquer la moquerie, mais presque. « Leurs soirées sont comme leurs programmes télé, me dit mon pote. Pleines de mauvaises idées, plutôt laides, et animées par des égos assez éléphantesques. Tout cela pour un public pour qui prendre du recul et réfléchir, c’est intellectualiser, autant dire un truc vraiment pas lol du tout. »

De fait, le lendemain, sur Twitter et Facebook, ne se comptaient plus les statuts qui parlaient de « la soirée du siècle » alors que sur notre propre échelle de valeurs, ce n’était jamais qu’une fancy-fair de service public assez mal gérée, surbookée, surestimée, où ça refoulait déjà du monde à l’heure où les vrais noctambules n’ont même pas fini leurs dames blanches au resto. On a aussi haussé très haut les sourcils à voir sacré Quentin Mosimann (qui a certes retourné la salle durant sa prestation) au titre de « DJ exceptionnel » alors que sa sélection, d’ailleurs suspectée d’être prémixée sur clé USB, ne sonnait pas mieux qu’une cassette de forain; bouillie infâme de jumpstyle sur laquelle il respectait de fait les principaux codes du bateleur de kermesse en hurlant des « vous aimez le gros son? » et autre « faites du bruit! ». Tout cela en se la pétant roi de la house-music (tu connais Seth Troxler, trompette?) alors que Pierre Rapsat et Stromae sur un vague beat plouc, c’est tout simplement de la variétoche pure et simple.

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Rictus en coin, j’ai en fait trouvé tout cela très triste, si vous me le permettez. Je pense que cela en dit long sur le rapport à la fête mais aussi à une certaine culture mal entretenu par une large partie de la population (30 ans de house et de techno, parfois très militantes, pour en arriver là?). Ça en bouche un coin sur la sacralisation de vedettes dont la personnalité publique est totalement scénarisée et le talent décrété par des jurys à la légitimité toute relative. Cela consolide ma méfiance, ma défiance même, envers le large public qui bouffe cette mascarade à la louche, au premier degré ou par prétentieuse ironie, mais avec sympathie, et suffisamment brainwashé que pour décréter que tous ceux qui oseraient prendre un rien de recul et critiquer ce système décervelant sont aigres, jaloux, et à ostraciser au plus vite. Cela négativise davantage encore ma vision du monde de la télévision et des médias, qui n’est plus vraiment celui des aventuriers de l’idée et des missionnaires de la connaissance, plutôt un nid à grosses feignasses grenouillant sur de vieux formats dégénérés (Star Academy = Salut les Copains, The Voice = 10 qu’on Aime). Pour faire court, je me suis senti totalement arnaqué à cette mégateuf, heureusement gratuite. Dès lors, mes couilles, mes petits mafiosi, aujourd’hui, je peux tout dire et ce que j’ai envie de dire, c’est que la télé, ses tronches connues et ses soirées péquenaudes, c’est vraiment un pur truc de grosses poufiasses! Voilà, welcome to the pleasure dome. Again.

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