OK Computer a 20 ans: 3 groupes belges nous racontent leur rapport à Radiohead

Radiohead 1997. © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Le Bony King, un Girls in Hawaii et la moitié de Rive racontent leur découverte de l’album emblématique de Radiohead.

Le 23 juin, OK Computer a retrouvé les bacs des disquaires dans un nouvel emballage. OKnotOK, une version deluxe remasterisée, avec huit faces B et trois titres inédits. On n’a pas vu le temps passer, mais OK Computer a 20 ans, Radiohead est toujours un groupe déterminant et son troisième album reste le plus emblématique de sa discographie. Travis, qui a travaillé sur The Man Who avec son producteur Nigel Godrich, a été accusé de s’être approprié son son. TV on the Radio a intitulé son premier disque OK Calculator. Et l’album a même fait l’objet d’une reprise intégrale reggae/ska/dub par les Easy Star All-Stars sous le nom de Radiodread…

Au-delà de ces clins d’oeil plus ou moins rigolos, de sa marque indélébile sur la génération MTV (qui a oublié le petit bonhomme de Paranoid Android qui prend sa douche avec son bonnet, la traque de Karma Police et Thom Yorke qui se presque-noie en chantant No Surprises?), OK Computer a réhabilité le mot « ambition » dans l’industrie du rock et bousculé les lignes. Les musiciens belges n’y ont pas échappé. « Je l’ai découvert deux ans après tout le monde, reconnaît Lionel Vancauwenberghe des Girls in Hawaii. J’ai fait un rejet un peu snob au début. Et puis, j’ai fini par entendre que Paranoid Android était un putain de morceau. J’allais voir les gens en leur disant qu’ils devaient à tout prix écouter ce disque mais ils le connaissaient par coeur depuis longtemps. Je suis vraiment passé pour un dingue… »

Girls in Hawaii (Lionel Vancauwenberghe, deuxième en partant de la droite)
Girls in Hawaii (Lionel Vancauwenberghe, deuxième en partant de la droite)© Olivier Donnet

Les Girls, qui arriveront à la rentrée avec leur quatrième album studio, ont incontestablement été marqués par le quintet d’Abingdon. « OK Computer est un disque incontournable. En grossissant un peu le trait, c’est sans doute celui qui a permis de quitter la période grunge/post-grunge avec un son plus hybride, plus mélangé, une kyrielle d’influences. Tout le monde attendait le truc qui allait arrêter la vague initiée à Seattle. Elle devenait un peu glauque. Et je pense que c’est Radiohead qui s’en est chargé. C’est assez marrant. Parce qu’au début, il avait ce petit côté sale, un peu plus rêche et brut sans pour autant ressembler à Mudhoney. »

Lionel tente plusieurs explications à l’incroyable succès. « Des fans vont peut-être crier au scandale mais je vois pas mal de points communs avec Achtung Baby de U2. C’est leur disque le plus poli, charmeur. Puis il y avait aussi pas mal d’expérimentation. U2 avait bossé avec Brian Eno; Radiohead a fait équipe avec Nigel Godrich, qui était en train de trouver son propre son. Il y a quand même des gros singles. à l’époque, j’entendais Karma Police toute la journée au supermarché et No Surprises est un classique de mariages. Puis il y a la voix de Thom Yorke: angélique, sans frontières. Elle allait haut, elle allait bas. C’en était presque virtuose. C’était une certaine idée du contre-pied, du beau, de la délicatesse. »

Lionel a rencontré un jour les frères Greenwood venus assurer la promo d’In Rainbows à Bruxelles. « Jérôme Colin m’avait fait passer pour son assistant. Je leur ai filé notre deuxième disque, qu’on venait de terminer. Il y a du Beatles chez Radiohead. Je pense surtout à Lennon. à Imagine, à Free as a Bird. Mais si on prend Sexy Sadie, il a déjà plus qu’un air de ressemblance avec Karma Police. La filiation est évidente. Ils ont quelque chose de leurs successeurs: dans l’exploration, dans le côté politique aussi sur la fin. Puis, ils ont fait de la musique un art… ça nous a inspirés. Notamment dans cette idée de laisser les guitares de côté. De bidouiller, de quitter les structures. »

Bony King
Bony King© DR

Germes

Il n’avait qu’une dizaine d’années à la sortie d’OK Computer et c’est au sous-titre de There There, un extrait de Hail to the Thief, qu’il a piqué son nom de scène. Le Bony King (jadis « of nowhere ») a craqué sur Radiohead avec Kid A et son National Anthem. « Ça a été la porte d’entrée et ça reste le Radiohead que je préfère. Si sombre, si expérimental avec tous ces bruits, tous ces détails. Mais OK Computer est déjà un grand album. Un disque intéressant qui a jalonné leur parcours et qui leur a permis d’avancer… On considère souvent Highway 61 Revisited comme le premier album électrique de Bob Dylan, mais le précédent, Bringing It All Back Home, en contenait les germes. C’est pareil avec OK Computer: c’est ce moment où tu sens que l’artiste va aller quelque part. Tu ne devines pas où et il ne le sait probablement pas encore non plus. Quand tu écoutes Climbing up the Walls, tu as déjà cet aspect très morose et sombre. »

Rive
Rive© DR

Consumérisme, obsession sécuritaire, emprise des nouvelles technologies (déjà)… OK Computer traite des aspects négatifs de la société moderne mais son influence ne connaît pas les barrières de la langue. Si le duo bruxellois Rive, qui a sorti son premier EP en mars, chante en français, son single Vogue a un petit côté Yorke, Greenwood and co… « J’ai aussi découvert OK Computer avec un peu de retard mais il est lié à une période charnière de ma vie, explique Juliette Bossé (voix, clavier, 32 balais).OK Computer, c’est l’été de mes quinze ans. La bande de potes, le premier petit ami. Le moment où je découvrais la pop aussi. J’associe vraiment des images très précises à son écoute. Entre ados dans une chambre à se passer en boucles Karma Police. Ou No Surprises avec mes parents sur la route des vacances. Sinon, Radiohead est un modèle pour de nombreux musiciens. C’est un groupe qui est parvenu à se renouveler, qui est resté indépendant. Moi, j’ai été fortement touchée par ses mélodies et par son côté mélancolique. Le riff d’entrée de No Surprises est d’une douceur et d’une tristesse incroyables. »

De là à le considérer comme novateur…? « Je n’entends rien de totalement neuf quand j’écoute OK Computer et en même temps c’est le disque de Radiohead qui a exercé le plus d’influence sur la scène pop rock, termine le Bony King. Il a fait de Thom Yorke un chanteur fondamental. Il a établi Radiohead comme un groupe de rock expérimental et a installé cette façon de chanter qui allait influencer tant de groupes -de Elbow à Coldplay. »

Radiohead – OK Computer. OKnotOK 1997-2017

OK Computer a 20 ans: 3 groupes belges nous racontent leur rapport à Radiohead

Distribué par XL Recordings. ****(*)

Le 30/06 à Rock Werchter.

Vingt ans et encore toutes ses dents. Le OK Computer de Radiohead fête ses deux décennies d’existence avec une réédition remasterisée accompagnée de huit faces B et de trois titres inédits. Outre Lull, Pearly ou encore l’incroyable Palo Alto qui accompagnaient Karma Police, Paranoid Android et No Surprises en singles, XL Recordings dévoile trois morceaux rares qui ne circulaient jusqu’ici que dans des versions live. La chanson de marche I Promise, l’épique Man of War et le plus anecdotique Lift… Soit l’occasion de redécouvrir par la bande un disque qu’on connaît par coeur. Dans sa version la plus luxueuse OKnotOK comprendra un bouquin, des notes de Thom Yorke et une cassette d’archives… Radiohead gaga.

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