Balthazar: « C’est parfois plus simple d’avoir de l’écho à Paris qu’en Wallonie »

Jinte Deprez (à gauche) et Marteen Devoldere (à droite): "On trouve plus intéressant de travailler les sentiments que de brasser des discours directement politiques." © Athos Burez
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

De retour après les escapades solo de ses différents membres, le groupe Balthazar sort Fever, nouvel album qui donne un coup de groove à sa mélancolie.

Rarement les méandres de la Semois et les forêts ardennaises n’auront paru aussi angoissantes que dans La Trêve. La musique du générique de la série belge n’y était pas pour rien. Violons lancinants, voix traînante: le morceau The Man Who Owns the Place n’a pas lancé la carrière de Balthazar au sud du pays, loin de là. Mais il lui a donné une autre envergure. « C’est sûr que cela a aidé. Il n’y a rien à faire, aussi absurde que cela paraisse, il existe toujours une sorte de frontière nord/sud. C’est parfois plus simple d’avoir de l’écho à Paris qu’en Wallonie. »

Aucune amertume à déceler dans la voix de Jinte Deprez. Ce n’est pas le genre de la maison. Depuis plus d’une dizaine d’années, avec Marteen Devoldere, ils forment le binôme créatif -façon McCartney/Lennon, Jagger/Richards -, à la tête de Balthazar. Avec pour profession de foi, une véritable écriture pop – « ce point de rencontre entre les arts populaires et les expérimentations plus pointues ». Et sans cesse l’ambition de la mélodie qui, derrière une certaine dégaine indie, ne cherche pas à se faire plus tortueuse qu’elle n’est. Interroger le duo sur sa musique revient d’ailleurs souvent à buter sur un mur: ici, derrière les sourires entendus des deux protagonistes, rien ne dépasse. Chez Balthazar, tout n’est pas forcément lisse. Par contre, loin du cliché de l’artiste torturé, tout est toujours fluide, « ideaal ».

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Ces dernières années, la vie de Balthazar n’a pourtant pas été qu’un long fleuve tranquille. Violoniste et claviériste présente depuis les débuts de l’aventure, Patricia Vanneste a décidé de quitter le navire: la vie sur la route lors des tournées aura eu raison de sa motivation. Depuis la sortie de leur troisième album Thin Walls, chacun en a aussi profité pour composer sa propre popote dans son coin. Le bassiste Simon Casier a lancé son projet baptisé Zimmerman. Jinte Deprez s’est, lui, glissé dans la peau de son alter ego J. Bernardt, tandis que Marteen Devoldere a sorti coup sur coup deux albums sous le nom de Warhaus. De quoi déstabiliser le groupe? Pas vraiment. Jinte Deprez: « Il n’a jamais été question de minimiser l’importance de Balthazar. Mais à un moment, cela faisait tellement de temps qu’on bossait dessus, que l’on commençait à prendre certaines choses pour acquises. » Marteen Devoldere confirme: « Pendant trois ans, on n’a quasi pas arrêté de tourner. Il fallait recharger les batteries, respirer un peu, si on ne voulait pas tomber dans une certaine routine. »

Sur Fever, Balthazar a en effet modifié un peu ses habitudes. L’écriture du nouvel album commence dès décembre 2017. La bio indique que le groupe a un peu ramé au début. « Pas du tout! », contredit Marteen. Pas même une petite angoisse de la page blanche? « Au contraire, il y avait l’excitation de la page blanche. Ce terrain encore vierge, qui permet de tout recommencer à zéro, de retrouver l’ébullition des débuts. Ce qui était précisément ce que l’on recherchait ». Jinte prolonge: « Il a juste fallu être assez patients pour trouver le fil rouge, qui allait tenir tout l’album. »

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Ch-ch-ch-changes

Sur Fever, Marteen ironise notamment: « I’m not the man for changes ». Avec leur nouveau disque, Balthazar montre pourtant qu’il peut jouer avec d’autres couleurs que les tons automnaux qu’il a majoritairement utilisés jusqu’ici. Jinte: « Assez spontanément, on s’est retrouvé sur une énergie très collective, dans une ambiance générale plus extravertie, plus positive. » Comme une manière de rectifier un peu l’image de jeunes garçons mélancoliques qu’ils traînent? « C’est vrai que les albums solo de chacun n’ont rien fait pour démentir cette réputation (sourire). Avec Fever, on se prend moins au sérieux, on est moins « premier degré ». Mais ce n’était pas une volonté en soi, c’est juste venu comme ça. » Ce changement de ton est-il alors dû à une réaction à l’atmosphère générale qui, ces dernières années, ne porte pas forcément toujours au plus grand optimisme? « Pas vraiment, grince Marteen. C’est vrai que ces derniers temps, pas mal de nouveaux groupes sont arrivés avec des discours plombés. C’est intéressant, sauf quand tout le monde se met à surfer sur la vague. De la même manière, on a parfois le sentiment que la musique est devenue quelque chose de très produit, au point de perdre le plaisir de jouer. Fever va un peu à l’encontre de ça. Alors, certes, on ne vit pas dans une bulle. Mais on trouve plus intéressant de travailler les sentiments que de brasser des discours directement politiques. Pour être clair, on n’a jamais pensé à Trump en composant l’album. Même si on le trouve très drôle… »

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En réalité, Fever est un peu leur Reflektor -le quatrième album d’Arcade Fire, qui avait permis aux Canadiens d’alléger un peu leur embarcation, pour un rock qui osait désormais lorgner aussi du côté de la dance. De la même manière, Balthazar se permet une musique plus ronde et plus chaude, citant moins Leonard Cohen que les Talking Heads. Des falsetto disco ici (Changes, I’m Never Gonna Let You Down Again), un beat plus carré là (Grapefruit), ou encore un saxo lounge (Wrong Faces), une basse eighties (You’re So Real). Balthazar réussit à bouger les lignes et à se donner de l’air. Tout en restant lui-même: il ne faut jamais plus de trois mesures pour reconnaître la patte du groupe. « Vous savez, à la base, on est fan des Beatles, conclut Jinte. Or, vous ne pouvez pas « désapprendre » les Beatles, c’est impossible de vous en débarrasser (sourire). Alors, vous pouvez faire glisser les curseurs, mais, au fond, vous restez toujours un peu le même. »

Balthazar, Fever, distribué par Pias. ***

En concert le 8/03 à la Lotto Arena, Anvers.

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