Les beaux espaces

Catherine Meurisse se remémore son enfance à la campagne. Un hymne à la beauté et à la vie, dans la lignée de son chef-d’oeuvre post-attentat.

Chercher le beau pour chasser le laid. Depuis un sinistre 7 janvier 2015, Catherine Meurisse, caricaturiste chez Charlie Hebdo, a fait de ce mantra sa ligne de conduite, et le coeur de ses bandes dessinées. On se souvient ainsi de l’extraordinaire La Légèreté, en 2016, qui décrivait le lent processus qui a pu la ramener des limbes à la lumière, elle qui avait perdu en même temps que huit collègues et amis  » la mémoire, les émotions et le dessin« . L’art comme thérapie, la beauté comme réflexe sécuritaire; il ne lui manquait que la nature, à laquelle Catherine Meurisse est particulièrement attachée, pour compléter le tableau de sa résurrection. Voici donc Les Grands Espaces: un voyage dans son enfance campagnarde et érudite mêlant à nouveau humour et goût du beau, pour célébrer cette nature  » où tout pousse et tout vit, envers et contre tout« .

Les beaux espaces

Paradis végétal

 » Les filles, la campagne sera votre chance« , avaient l’habitude de répéter les parents de Catherine et de sa soeur quand, à la fin des années 80, ils décidèrent de quitter la ville pour s’installer en pleine campagne. Des parents atypiques, férus de littérature et écolos-bobos avant l’heure, qui rachetèrent une ferme en ruine dans le Poitou et surtout le vaste terrain quasiment vide qui l’entourait. Un terrain qu’ils mettront ensuite une vie à remplir de plantes pour en faire un paradis rempli d’ancolies, d’oeillets, de digitales pourpres, de lupins bleus, de cognassiers et même d’un platane centenaire qui fut surnommé Swann -pour pouvoir répondre  » Du coté de chez Swann » à la question  » Où vas-tu?« . Ce premier grand choc esthétique de la petite Catherine l’amènera naturellement à un autre, quand la famille décide de partir en vacances… au Louvre. Là, elle découvre  » le feuillage des arbres de Corot, les bosquets de Fragonard, les buissons de Watteau, la campagne de Poussin… Mes grands espaces ». Qui aujourd’hui lui ont permis de revenir à la vie, au dessin et à la bande dessinée. Les Grands Espaces de Catherine Meurisse étaient en réalité en friche avant même les attentats de Charlie. Raison pour laquelle elle boucle cet opus à la fois d’une grande poésie et baignant dans une tendresse toute enfantine, proche d’un Petit Nicolas, avec une  » Pensée pour Charb« , son collègue et mentor mort dans les attentats, et  » qui attendait cet album« . Il aurait sans doute été, comme nous, ému aux larmes par tant de beauté graphique et intellectuelle, et par l’infinie pudeur de son auteure qui, en renouant avec son enfance et ses premiers émois esthétiques, parvient à s’offrir un avenir professionnel qui ne sera pas que sombre. Il est, au contraire, incroyablement lumineux.

Les Grands Espaces

De Catherine Meurisse, Éditions Dargaud, 92 pages.

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