Le casse du siècle

Entre fiction et autobio, Troukens ajoute la corde BD à son arc déjà bien bandé. Un polar solide autant qu’une réflexion sur la mécanique criminelle.

Dans les années 90, François Troukens braquait des fourgons blindés. Vingt ans plus tard, il est en train de faire main basse sur tout le PAF (comme paysage audiovisuel francophone)! Après la télé, le cinéma et la littérature (voir notre dossier page 12), l’ex-braqueur s’attaque aussi à la bande dessinée, en scénarisant cet efficace Forban, pur polar noir et blanc, et qui peut se lire comme l’exacte médiane entre son premier livre, autobiographique, et son premier film, de fiction: Forban narre l’histoire et le parcours de Frank, petit bourgeois de Braine-l’Alleud dont l’éducation alternative ne le prédestinait a priori pas, mais pas du tout, à ce parcours criminel qui en fera l’ennemi numéro 1 du pays. Un criminel pas spécialement au grand coeur, arrogant, séduisant, et qui joue de la trompette, mais qu’on ne s’y trompe pas: Frank, c’est évidemment François.

Action et réflexions

« Chronologiquement, cette bande dessinée est née bien avant les autres projets, nous expliquait François Troukens au moment de la sortie de Forban (le 13 octobre, quinze jours avant son livre, deux mois avant son film). J’ai rencontré Alain Bardet en 2012, le projet avait été signé la même année, mais je suis repassé pendant un an par la case prison. Ça a retardé le projet… Les sorties simultanées sont dues aux hasards du calendrier. » Un hasard qui fait donc bien les choses, mais effectivement nourri d’un véritable intérêt de l’auteur pour la bande dessinée: pendant ses années de cavale, François Troukens avait monté une petite maison d’édition au Luxembourg et porte en lui d’autres scénarios, cette fois affranchis de sa propre vie. Tout le contraire de ce Forban où l’on retrouve, comme dans le film Tueurs, des extraits de ce qui a dû être sa propre existence, avec une précision quasi chirurgicale dans les scènes d’action, toutes spectaculaires et exhalant effectivement une forte odeur de vécu…

Le casse du siècle

Cette aura d’authenticité fait beaucoup de l’intérêt de l’album, tout comme la découverte d’Alain Bardet, jeune dessinateur suisse au trait nerveux et presque aussi professionnel que les braqueurs qu’il dépeint. Ce dernier a opté pour un noir et blanc travaillé aussi bien à la plume qu’au pinceau ou à la brosse à dent, et qui colle parfaitement à la noirceur de son scénario. Polar efficace donc, même s’il est un peu alourdi, plus qu’ailleurs, par les réflexions de son auteur et le récitatif du personnage principal, lequel s’épanche longuement sur les raisons de son parcours. Des réflexions qui flirtent parfois avec des justifications difficilement audibles -« J’étais véritablement en guerre contre les cartels financiers responsables de la dette« – heureusement contrebalancées par un réalisme cru: la vie d’un criminel, même repenti, n’a rien de romantique.

Forban

D’Alain Bardet et François Troukens, Éditions Le Lombard, 112 pages.

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