À Châlons-en-Champagne, une « Duduchothèque » rend hommage à Cabu

Brigitte Milonas, curatrice. © AFP/François Nascimbeni
FocusVif.be Rédaction en ligne

Le Grand Duduche et le Beauf y sont nés, tout comme lui: à Châlons-en-Champagne, l’oeuvre foisonnante de Cabu, dessinateur de presse assassiné lors de l’attentat jihadiste contre Charlie Hebdo en janvier 2015, continue d’exister à travers une « Duduchothèque », lieu culturel qui sera inauguré samedi en hommage à l’enfant du pays.

Sur la photo de classe du collège de garçons prise en 1954, où il est envoyé pour repiquer sa seconde, l’élève Cabut (véritable orthographe de son patronyme) se fait remarquer: au deuxième rang à gauche, il tourne la tête, le regard observateur, ailleurs. Jean Cabut a 16 ans, mais « c’est un gamin qui est déjà une petite vedette locale, avec une notoriété », remarque Jean-François Pitet, co-commissaire de l’exposition K-bu avant Cabu. Tout commence à Châlons, visible du 1er décembre au 1er avril à la Duduchothèque.

Pour la construire, cet archiviste et ami du dessinateur s’est plongé dans l’oeuvre « foisonnante et prolixe » de celui né, en 1938, à Châlons-sur-Marne (aujourd’hui Châlons-en Champagne). « Cabu dessinait beaucoup, gardait tout et ne rangeait rien », s’amuse-t-il en montrant les cartes postales, feuilles volantes et autres cahiers parcourus de dessins de jeunesse, désormais versés au fonds de la ville. Les curés, les militaires, les courses cyclistes, la famille, la drague au parc du Jard: « il a énormément dessiné à Châlons, il y a fait l’apprentissage de son métier, c’était un laboratoire avec toutes les strates de la société », rappelle M. Pitet.

Jean-François Pitet, curateur.
Jean-François Pitet, curateur.© AFP/François Nascimbeni

Du lycée au bistrot, Cabu se servira de la vie châlonnaise pour créer plusieurs personnages emblématiques, à l’image du Grand Duduche ou du Beauf, et gardera ce lien indéfectible avec sa ville natale, où il est enterré. « Il s’est fait connaître en signant ses dessins K-bu… Il exposait ses caricatures chez le père Gilbert, un coiffeur qui avait beaucoup d’humour », avant de se faire repérer par un journaliste de l’Union qui lui ouvre les portes du quotidien local, retrace Jean-François Pitet.

« Mémoire »

Les 80 dessins exposés, datant de 1948 à 1960, retracent ses influences, ses thématiques de prédilection, ses premiers pas dans le journal de son lycée, ses préoccupations adolescentes et l’évolution de son trait… L’affirmation d’un style, qui lui ouvrira les portes des journaux parisiens, du Pèlerin à Hara-Kiri. Une photo d’archives montre un Jean Cabut espiègle, rigolard, bordélique… Décalage frappant entre la légèreté d’un artiste en devenir, résolument libre, ramené à sa fin brutale, le 7 janvier 2015.

À Châlons-en-Champagne, une
© AFP/François Nascimbeni

« Qu’est-ce qu’il nous reste? Ses dessins, et il faut les faire vivre. Dans ces dessins joyeux et ironiques, on sent qu’il va devenir un grand journaliste dessinateur de presse », confie à l’AFP sa femme Véronique Cabut. « Je suis fière de la Duduchothèque, résultat du travail entre sa famille et la ville de Châlons-en-Champagne. Ça participe à la construction de sa mémoire et on n’a pas fini! », ajoute-t-elle.

Le lieu se veut pédagogique afin de « stimuler la créativité de la relève », ajoute Brigitte Milonas, également co-commissaire de cette exposition avant tout joyeuse et humoristique. « Nous ne sommes pas dupes: nous savons pourquoi Cabu a été assassiné, pour la liberté d’expression, souligne Jean-François Pitet. Mais on ne veut pas être dans la tristesse: c’est un lieu vivant. »

À Châlons-en-Champagne, une
© AFP/François Nascimbeni

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