Vincent Cassel: « Je n’ai peur de rien en tant qu’acteur, vraiment »

Vincent Cassel dans Fleuve noir: "Il faut savoir prendre des risques, arrêter de se regarder, ne pas se juger. Après, le risque pour un acteur, c'est quoi? Le ridicule, tout au plus. Il m'arrive de faire des scènes et puis d'avoir un peu honte de moi. Mais c'est parfois ces moments-là qui sont les plus payants au cinéma." © DR
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Bestial, quasiment reptilien, Vincent Cassel s’offre un nouveau numéro d’acteur dans Fleuve noir, le nouveau film d’Érick Zonca, récit obsessionnel d’une enquête en eaux troubles où il surnage en flic dysfonctionnel et cramé.

« Alors qu’est-ce que je peux bien vous raconter? Dites-moi donc, qu’est-ce que vous voulez savoir? » Cool et classe, tout sourire, Vincent Cassel finit sa journée de promo parisienne comme si elle venait à peine de commencer, à la manière d’une pile électrique, s’exprimant en abondantes gerbes speedées de phrases à rallonge d’où percole une paire de signes distinctifs qui le définissent bien: l’ardeur et la détermination. Rien que pour 2018, la filmo Wikipédia du comédien français émigré au pays de Neymar affiche pas moins de sept longs métrages au compteur, dont un film catastrophe américain, un drame brésilien et un thriller sud-coréen. Excusez du peu. Hyperactif, Vincent Cassel? C’est rien de le dire. Aventureux, aussi.

À l’affiche aujourd’hui de Fleuve noir, le nouveau film d’Érick Zonca (La Vie rêvée des anges), il y retrouve Romain Duris quelque 21 ans après le Dobermann de Jan Kounen en flic alcoolique et monomaniaque enquêtant sur la mystérieuse disparition d’un adolescent. Un rôle à l’origine taillé pour Gérard Depardieu, qui a jeté l’éponge après quelques jours de tournage pour raisons de santé. « J’ai remplacé Gérard au pied levé, oui. Et sans filet. Il y a un certain inconfort à ne pas avoir la possibilité de se préparer pour un rôle, et en même temps c’est quelque chose de très intéressant. Je me suis retrouvé dans un truc d’urgence où finalement j’étais obligé de me faire confiance trois fois plus. J’étais en train de préparer Gauguin qui nécessitait que je maigrisse, donc je n’arrêtais pas de bouffer des fruits et des légumes tout en faisant du sport. Pour camper ce mec alcoolique et détruit alors que je ne buvais pas une goutte de gnôle, il fallait que j’invente quelque chose. Je devais le jouer plutôt que l’incarner. Il fallait changer la démarche, la voix. Ça m’a passionné de le faire comme ça. Je me rends compte que ça m’excite en fait d’être dans des situations un peu précaires sur un plateau. »

Peur de rien

Vincent Cassel:

Efficace mais modeste petit thriller de série B à la grammaire très télévisée adapté d’un roman de l’Israélien Dror Mishani, Fleuve noir évoque davantage La Trêve que les grandes heures du cinéma policier. Obsessionnel, intrusif, provocateur et animal, Cassel, cheveu gras-mouillé et regard torve, y joue de tous les excès, flirtant avec le numéro de freak cabotin sans jamais briser le charme délétère d’une louable ambiguïté morale. « Jeune, j’allais au cinéma voir des acteurs comme Gian Maria Volontè, Patrick Dewaere et Gérard Depardieu, De Niro, Mastroianni aussi. J’aimais quand ils jouaient des lâches, des mecs en marge de la société, incompris, seuls. Pourquoi est-ce que ça me touche? Je ne sais pas. Peut-être parce que je m’identifie, parce que je trouve ça plus beau, plus romantique. Je crois surtout que je trouve ça tout simplement plus proche de la réalité, finalement. Les gens qui réussissent m’intéressent moins. Je trouve qu’il y a quelque chose d’unique chez ceux qui se débattent avec eux-mêmes. Après, ça ne m’empêche pas d’incarner des personnages très différents. Je reste très attiré par l’idée de métamorphose. Même si c’est une manière d’être un peu plus soi-même, à l’arrivée. Derrière le masque, on peut se permettre des choses qu’on ne s’autoriserait pas autrement. En se travestissant, on se révèle encore plus. »

Caméléon, Cassel prône le lâcher-prise et l’abandon. « J’aspire à la liberté. La vie est courte. S’empêcher de faire des choses à cause du regard des autres n’a tout simplement aucun sens. Je préfère me casser la gueule que de ne faire l’expérience de rien. J’ai parfois eu des détracteurs qui ont mal parlé de moi mais qui dans le fond auraient bien voulu être à ma place (sourire). Il se trouve que j’ai toujours eu l’impression d’avoir une place à part. C’est-à-dire que je me suis toujours dit qu’il fallait que je cultive ma différence pour pouvoir exister. Parce que c’est le seul truc qui vous rend irremplaçable, en un sens. Être vous-même. Avoir votre propre style. Moi je n’ai peur de rien en tant qu’acteur, vraiment. Je sais que je finirai toujours bien par retomber sur mes pattes, quoi qu’il arrive. Dans chaque film, l’enjeu c’est surtout de toucher à un moment où on arrive à être un peu au-dessus de soi. »

Prochains rendez-vous? Dès le 15 août dans Le monde est à toi, nullissime comédie de banlieue du fils de pub Romain Gavras, mais surtout en décembre dans L’Empereur de Paris où il retrouve son réalisateur du diptyque Mesrine et d’ Un moment d’égarement Jean-François Richet pour l’histoire d’Eugène-François Vidocq, ancien bagnard devenu au début du XIXe chef de la brigade de sûreté de la police de Paname et que… Gérard Depardieu, encore lui, avait déjà incarné au cinéma il y a une grosse quinzaine d’années. « L’ambition c’est d’atteindre à une grande fresque populaire. Jean-François Richet, sous sa casquette Lacoste, est un féru d’Histoire et particulièrement de cette période, donc il est hyper pointu sur tout ce qui gravite autour de Napoléon, la Révolution… C’est presque un film de gangsters d’époque, mais extrêmement référencé. Il n’y a pas une chose qui ne serait pas vérifiée. Comme pour Mesrine, c’est l’idée d’offrir, à travers l’histoire d’un petit personnage, une espèce de photographie, un instantané de toute une époque.« 

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Fleuve noir, d’Érick Zonca. Avec Vincent Cassel, Romain Duris, Sandrine Kiberlain. 1h53. Sortie: 08/08. ***

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