Quand l’annonce du J’accuse de Polanski sert à allumer des bûchers féministes

Roman Polanski © REUTERS/Arnd Wiegmann
Serge Coosemans
Serge Coosemans Chroniqueur

Ce dimanche, une partie de Twitter s’est fâchée tout rouge à l’annonce du nouveau film de Roman Polanski, J’accuse, présenté à tort par certains médias comme une réponse à #MeToo. Tout cela par pur cynisme mercantile. Émile Zola et George Abitbol sont dans un bateau, c’est le Crash Test S04E05.

Ce dimanche 30 septembre 2018, l’annonce d’un nouveau film de Roman Polanski intitulé J’accuse a provoqué quelques foudres féministes sur Twitter. J’accuse fait bien entendu allusion à l’Affaire Dreyfus et au pamphlet d’Émile Zola du même titre à ce sujet mais par pure bêtise ou simple cynisme, pas mal de Twittos et de publications l’ont en fait rattaché à… #MeToo. C’est notamment le cas de Vanity Fair, dont le titre très pute à clics « Roman Polanski announces his first movie in #MeToo era, called J’accuse » a bouté l’un de ces feux, générant pas mal de GIFs de gens qui vomissent, des « mais comment ose-t-il? » à la pelle et même quelques « Polanski prépare J’accuse sur la méchante vague #MeToo… Dur dur d’être violeur! » prouvant une nouvelle fois que sur les réseaux sociaux, on s’arrête au titre sans lire l’article. Car si celui-ci prend largement la peine de rappeler quel sale type Roman Polanski est censé être, il décrit sinon plutôt bien le projet: un film sur l’Affaire Dreyfus, donc, tiré du roman D. de Robert Harris, avec Louis Garrel et Jean Dujardin dans les rôles principaux. Autrement dit, une fiction autour d’une affaire d’État qui éclata en 1894 et a beaucoup plus à voir avec le nationalisme, l’antisémitisme, les manigances politiques et les errances morales et éthiques des médias qu’avec quelque mouvement féminin que ce soit.

Bref, si Roman Polanski sort ce film, ce n’est pas pour défendre sa cause perdue ou narguer qui que ce soit, mais plutôt parce que voilà bien un sujet non seulement dans l’air du temps et aussi parfaitement dans le ton de ses intérêts habituels. À 85 balais, souvent déconsidéré, mais avec un budget davantage conséquent que celui de ses dernières sorties, on peut aussi penser que Polanski veut sinon frapper un dernier grand coup cinématographique, au moins revenir sur le devant de la scène montrer quel cinéaste exceptionnel il peut être. J’accuse est d’ailleurs un projet qui traîne depuis quelques années, évoqué dans la presse dès 2012. Roman Polanski parlait alors de « pertinence absolue de cette histoire » en « regard de ce qu’il se passe dans le monde aujourd’hui: ce spectacle ancestral de la chasse aux sorcières menée par une minorité, la paranoïa sécuritaire, les tribunaux militaires secrets, les agences de renseignement hors de tout contrôle, des cachotteries gouvernementales et une presse enragée. » Bref, il ne rattachait pas du tout l’Affaire Dreyfus à #MeToo mais bien à une vision du monde proche de celles d’Edward Snowden et de Julian Assange. D., le bouquin de Robert Harris dont va être tiré ce film, n’est d’ailleurs pas un récit historique mais bien une fiction basée sur des faits réels mais reconstruits de façon à passer pour un thriller politique aux thèmes contemporains.

Pour être tout à fait honnête, il faut reconnaître que Polanski a lui-même évoqué des raisons personnelles de mener ce projet à bien, notamment parce qu’estimant avoir souvent été lui-même victime d’une presse et de commentateurs en délire. Encore faudrait-il se poser la question, ce que personne ne semble faire, de ce quoi parle-t-il vraiment en évoquant cela. Parce que si c’est de #MeToo et des articles sur son affaire de viol, oui, on peut y voir un gros doigt d’honneur à ses accusateurs/trices. Mais si c’était plutôt à tous ces articles, ces documentaires, ces livres et ces fictions souvent débiles sur l’assassinat, en 1969, de son épouse Sharon Tate (enceinte de 8 mois) et de ses amis par la Manson Family qu’il pensait? N’auriez-vous pas vous aussi une dent contre les médias depuis l’époque du carnage, quand certains journalistes avaient très sérieusement avancé que si Polanski n’avait pas tourné Rosemary’s Baby, le drame ne serait pas arrivé? Est-ce d’ailleurs un scoop que la presse fatigue par ses partis-pris et son manque de nuances? Des milliers de personnes critiquent les médias mais Polanski, lui, ne pourrait pas, parce que s’il sort un truc pareil, lui, c’est forcément pour se victimiser et noyer le fishstick? C’est d’autant plus aberrant que ce dont on parle ici part d’un article dont le titre est calibré pour faire du clic en induisant les gens en erreur et qu’un projet cinématographique a priori très valable y sert surtout d’alibi à générer du commentaire social à l’emporte-pièce. Dans Le Grand détournement, George Abitbol, l’homme le plus classe du monde, avait une phrase assez définitive pour résumer tout cela. Trouvez-là vous-même via Google, ça vous fera de l’exercice.

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