Laurent Raphaël

L’édito: Batman vs Agent orange

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

On fête cette année les 80 ans de Batman. Toujours admiré, le Chevalier noir n’est pourtant plus que l’ombre de lui-même. Il ne s’est jamais remis de sa grosse dépression des années 80, dépeinte avec maestria par Frank Miller dans The Dark Knight Returns.

C’est devenu un vieillard qui ne sort plus beaucoup du manoir Wayne. Hormis une fois par mois pour aller dîner au club des vétérans de la Ligue des Justiciers -plus par habitude qu’autre chose, même si c’est toujours un plaisir de clouer le bec à ce niais de Superman. Et plus rarement, trop rarement, pour aller boire un verre avec Catwoman. Après des décennies à lui tourner autour, après surtout leur mariage raté (elle lui a fait faux bond le jour des noces, un fiasco raconté en 2018 dans le numéro 50 de Batman, publié dans la collection DC Rebirth), il s’est fait à l’idée que leur relation resterait à jamais chaotique et platonique, aidé en cela par les doses massives de Prozac qui lui ont ramolli le ciboulot et flétri la libido. Elle lui a dit franchement ce qui clochait chez lui: son traumatisme d’enfance est trop envahissant. Et ne se résoudra pas en claquant la fortune familiale et en jouant au justicier masqué. Pas rancunier, il accepte de bonne grâce de l’écouter causer avec enthousiasme de sa reconversion. Fini les cambriolages acrobatiques, fini les flirts suspects avec la pègre, la plus latex des super-héroïnes passe son temps désormais à traquer les contrevenants à la cause #metoo. Autant dire qu’elle ne chôme pas… Le reste du temps, le milliardaire traîne son spleen en peignoir dans les couloirs de cette maison impossible à chauffer. Certes, de temps en temps, Robin passe encore le voir. Mais il ne peut dissiper le malaise qu’il éprouve quand il voit son ancien partenaire dans la lutte contre le Mal débouler dans une robe moulante, les ongles impeccablement vernis et l’oeil cerclé de noir, seul rappel de son ancien costume. Car oui, Robin est une femme désormais. Tout fout le camp…

L’objectif de Trump est clair: substituer une ru0026#xE9;alitu0026#xE9; fantasmu0026#xE9;e u0026#xE0; la vraie, pour mieux imposer derriu0026#xE8;re sa politique destructrice. (…) Il y a du Pingouin, du Harley Quinn et du Joker dans cet homme-lu0026#xE0;!

Quand par malheur, il tombe à la télé sur la litanie des mauvaises nouvelles qui accablent notre monde, un fond de mauvaise conscience l’arrache à sa torpeur mais ses rhumatismes chroniques et le souvenir des blessures endurées lors de ses derniers combats (le gang Mutants a laissé des traces) lui rappellent brutalement qu’il n’a plus 20 ans. Ni même 30. C’est dans ces moments-là qu’il honnit son créateur Bob Kane de ne pas l’avoir doté de super-pouvoirs… Dans les pires moments de nostalgie que même le meilleur brandy servi par Alfred ne parvient pas à dissiper, il descend à la cave, retire la bâche qui protège la Batmobile, s’installe au volant et va rouler à tombeau ouvert dans la campagne en prenant soin d’éviter les artères où il risquerait de croiser des criminels à pourchasser. Ces virées l’épuisent plus qu’elles ne le requinquent. Il rentre fourbu, et surtout déçu de ne pas avoir ressenti la moindre envie de reprendre du service. L’encéphalogramme de la droiture morale reste désespérément plat. Et pourtant, il serait temps que quelqu’un prenne les choses en main…

Car depuis deux ans, un super vilain a pris le pouvoir à Gotham City. Le pire de tous. Contrairement à ses prédécesseurs, celui-ci a mis son plan machiavélique à exécution en passant par les voies légales. Avant de baisser les bras, Batman a étudié de près le cas Trump, subodorant la menace. Délaissant les déguisements excentriques des psychopathes répertoriés, l’ancien homme d’affaires s’est glissé dans un costume passe-partout. Long manteau bleu foncé, chemise blanche et cravate rouge. Rien de plus banal en apparence. Mais Double-Face aussi présentait une moitié de profil normale. L’étrange coiffure aurait toutefois dû nous alerter. Elle est comme une tenue de clown qui dépasserait d’un complet veston… Les craintes du détective masqué se sont confirmées depuis: le dirigeant cynique sème la colère et le désordre en répandant ses fake news sur son arme de communication massive préférée: Twitter. Son objectif est clair: substituer une réalité fantasmée à la vraie, pour mieux imposer derrière sa politique destructrice. La preuve: il n’hésite même plus à désavouer ses conseillers et ses agences de renseignement. Comme il l’a fait récemment en déclarant en avoir fini avec Daesh. Il y a du Pingouin, du Harley Quinn et du Joker dans cet homme-là!

Batman sortira-t-il de sa retraite pour débarrasser le monde de cet adversaire redoutable, allié des forces du Mal? Vous le saurez en lisant le prochain épisode…

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