L’oeuvre de la semaine: L’île de plomb

Guy Gilsoul Journaliste

32 ans après avoir tué des détenus sans défense, 35 militaires sont enfin jugés au Pérou et l’ancien président Alan Garcia convoqué au tribunal. A l’époque des faits, l’artiste péruvien Giancarlo Scaglia avait quatre ans. Rappel des faits.

Le 18 juin, 133 maoïstes du « Sentier lumineux », enfermés dans une des prisons construites sur l’île El Fronton au large de Lima, se révoltent et prennent des gardiens en otage afin de réclamer la libération de 500 de leurs camarades. Les militaires de la marine envoyés sur ce que le pouvoir appellera une zone de guerre, finissent après de rudes combats, à mettre un terme à la révolte. Ils terminent alors « le travail » en amenant les 90 mutins rescapés devant un mur et, sans autre forme de jugement, les achèvent d’une balle dans la nuque.

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L’exposition, la première en Belgique, imaginée par l’artiste, prend appui sur ces évènements pour exorciser des parts noires de sa propre mémoire et rendre hommage à ce Pérou trop habité aux violences des soldatesques. Pour ce faire, il a gagné le site aujourd’hui abandonné et rejoint le fameux mur qu’il a encré de noir. Ainsi, il a enregistré un transfert des traces laissées par les impacts de balle qui apparaissent alors comme des étoiles lumineuses sur un ciel de nuit. La prison avait aussi été la cible d’obus qui avaient troué les murs. Giancarlo Scaglia a alors incarné cette mémoire en remplissant les béances de briquaillons, bois trouvés et gravats qu’ensuite, il a recouvert d’une chape de plomb. Deux vues de l’île, travaillées patiemment au glacis à partir de pigments métalliques s’ajoutent à cet ensemble oppressant auquel répond, en lumières d’or une dernière composition construite à partir de papiers abandonnés sur place à la nature, aux vents et aux oiseaux.

Si les oeuvres ne sont pas sans évoquer, par l’énergie et la symbolique des matériaux bruts utilisés à l’esprit de l’ Arte Povera défendu par la galerie (Anselmo, Calzolari, Merz et Kounellis font partie de l’écurie) , elles s’en distinguent par un propos politique plus frontal et un sens de l’artefact plus élaboré.

Bruxelles, Galerie Bernier Eliades. 46 rue du Châtelain. Jusqu’au 22 décembre. Du ma au sa de 12h à 18h www.bernier-eliades.gr

Illl légende : Golden Aérea, 2018. C de l’artiste et galerie Bernier-Eliades Athènes-Bruxelles.

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