Décès de David Douglas Duncan, légende de la photo de guerre et ami de Picasso

David Douglas Duncan, à son domicile près de Cannes, 2006. En main, il tient une copie de son livre Picasso & Lump. © ISOPIX/Kirsty Wigglesworth
FocusVif.be Rédaction en ligne

Il a photographié la guerre de Corée et du Vietnam avant de capturer son grand ami, Pablo Picasso: à 102 ans, David Douglas Duncan s’est éteint sur la Côte d’Azur où il vivait, après avoir contribué à la légende du magazine Life.

Le photographe américain, qui vivait sur la Riviera française depuis les années 1960, « est mort des suites d’une pneumopathie entouré de ses proches », a indiqué vendredi le directeur du musée d’Antibes Jean-Louis Andral.

La photo de Picasso, hilare, dans son bain, c’est lui. Tout comme celle d’un soldat américain, le visage abîmé et le regard dans le vide, devant une boîte de conserve. Un cliché pris le 9 décembre 1950, en pleine guerre de Corée qui a bâti la réputation du photographe de guerre qu’on surnommait « DDD ».

« J’ai un souvenir très vif » des circonstances dans lesquelles ont été prises ces photos, racontait-il en 2008 dans le cadre du festival Visa pour l’image à Perpignan, dans le sud de la France. « C’était au lever du soleil. Il faisait très froid, dans les moins 30 degrés, nous avions faim, nous n’arrivions plus à parler », décrivait-il, rage intacte malgré les années.

Jusqu’à la fin, « il se souvenait des prénoms, noms et grades de tous les soldats qu’il avait photographiés en Corée ou au Vietnam », décrit Jean-François Leroy, à la tête de Visa pour l’image. Il lui a rendu un vibrant hommage vendredi sur Facebook en décrivant, non sans humour, « un seigneur » qui « détestait la mode des mal-rasés et ne manquait pas » de le rappeler.

Baroudeur

Né dans le Kansas en 1916, David Douglas Duncan se met à la photo à 18 ans, après avoir reçu un appareil en cadeau de sa soeur. Ses débuts sont fracassants: en immortalisant l’incendie d’un hôtel à Tucson (Arizona), il saisit sans le savoir le braqueur John Dillinger -alors le criminel le plus recherché d’Amérique- tentant d’extirper des flammes un attaché-case.

Après cela, « j’ai eu un prix et j’ai décidé de faire carrière en explorant le vaste monde », raconte celui qui va par la suite barouder à travers la planète (Iran, URSS, Inde, Vietnam, Turquie…)

Ancien marine mobilisé à partir de 1942 pendant la Seconde Guerre mondiale, David Douglas Duncan fera des soldats le premier sujet de son travail, compilé dans un livre intitulé This is war! publié en 1951. Dans la préface, il écrivait: « Pas d’apothéose dans ce livre, ni de conclusion fracassante. Juste le désir de montrer un peu ce qu’un homme doit subir quand son pays décide d’entrer en guerre. »

Une vingtaine d’autres livres photos suivront, dont plusieurs brûlots anti-guerre, comme I Protest et War Without Heroes sur la guerre du Vietnam.

« Membre de la famille » Picasso

« Vous avez des appareils photos, c’est comme des armes politiques, il faut s’en servir », lançait-il, à plus de 90 ans, à l’adresse de la jeune génération.

En 1956, suivant les recommandations du photographe Robert Capa, décédé deux ans plus tôt, DDD rencontre Picasso. « Je crois que je l’ai intrigué. J’étais arrivé avec une Mercedes 300 SL, celle avec les portes qui s’ouvrent comme des ailes de papillon. Ensuite, Picasso avait beaucoup de respect pour ceux qui comme moi ont connu les horreurs de la guerre », racontait-il lors d’une interview au quotidien français Le Figaro en 2012. Une amitié profonde se tisse entre les deux hommes. David Douglas Duncan passe des journées entières à capturer le maître au travail et dans son intimité. Après son décès en 1973, il restera proche de sa veuve Jacqueline et de sa fille Catherine.

« Le ‘Yankee nomade’ est parti pour une nouvelle grande aventure. Il a fait partie de notre vie quotidienne comme un membre de la famille. DDD est le photographe qui a le mieux montré Picasso au travail avec discrétion et affection », a réagi vendredi, ému, Claude Picasso, le fils du peintre.

David Douglas Duncan avait confié tous ses négatifs à l’université du Texas à Austin.

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