Critique théâtre: Tu fais la femme, fou et piquant

© Beata Szparagowska
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Dans le cadre du Festin, festival de créations théâtrales dédié aux jeunes talents, Carole Lambert orchestre un quatuor déchaîné et absurde qui épingle pas mal de nos travers.

Pas toujours facile pour des jeunes de trouver une salle ou une institution qui acceptera de prendre le risque -financier, artistique- de programmer des (quasi) inconnus, sans références (ou presque). Si les portes des saisons traditionnelles sont souvent cadenassées, il existe ici et là des tremplins où faire ses armes, où tenter sa chance. C’est le cas du Festin, organisé à Mons pour la deuxième fois, qui propose cinq spectacles de jeunes créateurs de la région, de sang ou d’adoption.

Carole Lambert est française, mais elle sort du conservatoire de Mons. Son texte Tu fais la femme, en gestation depuis ses années d’études, est une partition au cordeau, tirant l’absurde jusqu’à ses extrêmes et abordant en vrac des thèmes aussi divers que la question du genre et des rôles de la femme (dès le titre), le vide de nos existences, l’inéluctable délitement du couple, l’identité par le travail, l’acceptation de l’homosexualité… Le tout sans sombrer dans la sinistrose mais imbibé d’une joyeuse folie portée par deux comédiennes (Amandine Chevigny et Morgane Gilles) et deux comédiens (Guillaume Druez et Louis Marbaix), en chemise blanche et pantalon noir, qui vont successivement ou simultanément préparer des crêpes, énoncer les didascalies au micro, manger pour de faux et pour de vrai, assurer des chorégraphies de groupe, s’étouffer, s’entre-tuer, mourir et ressusciter.

Jamais pontifiant, toujours ludique, Tu fais la femme déconcerte d’abord par sa structure explosée avant de réconcilier tout le monde par le rire et les traits bien sentis. Une belle découverte.

La soirée d’ouverture du Festin continuait avec Un hypnotique anonyme!, où Sébastien Domogalla, également concepteur du spectacle, endossait le rôle d’une sorte de Mr Bean ultra-contemporain. Sans paroles et à l’aide d’un tulle à l’avant-plan accueillant les projections vidéo, ce seul en scène dégomme la tyrannie des smartphones et des réseaux sociaux dans un esprit burlesque. Mais la mécanique du rire est une horlogerie capricieuse, qui demanderait ici à être resserrée.

On signalera encore que la Maison Folie accueille aussi Une année en enfer, exposition immersive découlant d’un roman illustré de Jan Bucquoy (scénario) et Tito (dessin), où le flic dépressif Daniel Jaunes se retrouve plongé dans les pires affaires qui ont secoué l’histoire de Mons.

Festin: jusqu’au 15 septembre à la Maison Folie et au Théâtre le Manège à Mons, www.surmars.be

Tu fais la femme sera ensuite présenté du 13 au 24 novembre par le Rideau de Bruxelles au Théâtre Marni, www.rideaudebruxelles.be

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