Critique théâtre: Si simple, si compliqué

Angelo Bison © Alice Piemme
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Dépouillé à l’extrême, Un homme si simple plonge Angelo Bison dans l’introspection autobiographique de l’écrivain belge André Baillon. Une confession sans fard, à la frontière de la folie, dans la droite lignée du succès du précédent seul en scène L’avenir dure longtemps.

Il est certain que si le théâtre peut parfois dérouler des décors imposants, ou faire couler un torrent d’images vidéo, déclencher des avalanches sonores et recourir à l’ingéniosité technologique, il pourra toujours se produire avec « une ampoule et une chaise ». Par la puissance d’évocation du comédien, par la force de ce qui sort de ses yeux, de sa bouche, de ses mains. Dans le cas d’Un homme si simple, il n’y a même pas de chaise, juste le sol nu et les murs tout aussi nus de la salle du Poème 2, ainsi qu’un double couloir de lumière où erre, d’un bout à l’autre, allant et venant en costume noir et chemise blanche, Angelo Bison (qui reprend le rôle trouble de Guy Béranger dans la saison 2 d’Ennemi public, annoncée sur les écrans pour l’hiver prochain).

Après le succès de L’avenir dure longtemps, d’après le texte autobiographique du philosophe Louis Althusser, le metteur en scène Michel Bernard place le comédien dans la peau d’un autre intellectuel que des relations amoureuses compliquées enfoncent progressivement dans la folie. Le personnage historique tourmenté est ici André Baillon, né à Anvers en 1875, écrivain interné sur sa propre décision à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris. Séjour qui donna naissance au roman Un homme si simple, suite de cinq confessions à un psychiatre parue en 1925. Près d’un siècle plus tard, le texte, intensément incarné par Bison, n’a pas pris une ride. Juste quelques références qui indiquent que non, il ne date pas d’hier.

« Écrire est inquiétant », commence Jean Martin, enfant très calme, du genre premier de la classe, ayant reçu une éducation religieuse sévère. Mais, devenu « amoral », il se retrouve à l’âge adulte écrasé, puis écartelé entre deux femmes, « toujours tendu », avant d’être pris au piège de son désir pour la fille adolescente de sa maîtresse. Une confusion des sentiments, aggravée par ses difficultés à écrire sans silence complet, qui lui fera perdre l’appétit, le sommeil, et en partie la raison. « Un jour, je vis un long mur noir. C’était ça ma vie. » En vrai, le mur noir présente une issue vers la lumière. Un monologue glacé mais où l’humour sait s’inviter. Le désespoir n’a pas tout vaincu.

Un homme si simple: jusqu’au 3 mars au Théâtre Poème 2, www.theatrepoeme.be

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