Critique théâtre: Comme au casino

© Thomas Dhanens
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Après avoir démonté les rouages des discours électoraux dans Fight Night, la compagnie gantoise Ontroerend Goed s’attaque à ceux du système financier dans Lies. Un incroyable spectacle participatif vu au Festival Singulier de l’Atelier 210 et annoncé à l’automne prochain au Théâtre de Namur.

70 personnes et pas une de plus. Telle est l’inflexible jauge de Lies. Dans l’ancienne salle de gymnastique qui occupe le troisième étage de l’Atelier 210 (une ancienne école, pour ceux qui l’ignoraient), dix tables accueillent chacune sept personnes. Elles ressemblent à des tables de black jack. Un comédien-croupier accueille tour à tour chaque membre à sa table et note scrupuleusement son prénom. Une fois les sept sièges remplis et les présentations faites, il faudra mettre devant soi le contenu de son portefeuille et décider quelle part de son liquide on souhaite investir avant l’ouverture des marchés, les premiers placements de jetons et les premiers lancers de dé.

Créé en 2016 en anglais, déjà joué 200 fois à travers le monde, Lies était ici testé pour la première fois en français et l’on peut dire que sa redoutable mécanique est déjà bien au point. Invité à se glisser dans la « peau » d’une banque, chaque spectateur va vivre en accéléré l’Histoire de l’économie mondiale, depuis la Seconde Guerre jusqu’à la crise financière de 2008. En l’expérimentant lui-même. Sur une bande-son qui suit la chronologie de cette évolution, chaque table absorbe les métamorphoses du marché, prenant de plus en plus de risques, passant de ressources matérielles comme l’acier à des fonds spéculatifs, démultipliant les millions de prêt en prêt, achetant des obligations, surveillant sa cote sur le tableau central, accomplissant des fusions et s’arrêtant entre les gongs pour suivre les points d’information sur la situation internationale. Qu’on le veuille ou non, chacun se retrouve pris dans une fièvre où l’appât du gain prend le pas sur toute morale. Jusqu’à ce que le système s’écroule de lui-même.

Une démonstration terrible, magistrale, qui revisite complètement en passant l’interactivité au théâtre.

Lies: vu au festival Singulier à l’Atelier 210, annoncé en novembre 2019 au Théâtre de Namur.

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