Critique danse: Stravinsky 2.0

© Lander Loeckx
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Au Parc, José Besprosvany revisite plus d’un siècle après leur création deux ballets orchestrés par Stravinsky, Petrouchka et L’Oiseau de feu. Virtuose, mais sans entrechats ni grands jetés.

« Mais maman, c’est pas du tout l’histoire de L’Oiseau de feu, je comprends rien. » Le désemparement, ici exprimé par une spectatrice de 8 ans, aura sans doute saisi un temps ceux qui, en venant au Théâtre royal du Parc, pensaient retrouver la forme, ou du moins l’esprit, des deux ballets chorégraphiés par Michel Fokine, Petrouchka (avec Vaslav Nijinski dans le rôle-titre) et L’Oiseau de feu, créés à Paris respectivement en 1911 et 1910 par les mythiques Ballets russes dirigés par Serge de Diaghilev. Car ici à la barre, José Besprosvany, chorégraphe mexicain formé chez Béjart à Mudra et basé à Bruxelles depuis le début des années 80, a choisi de prendre de grandes libertés avec les oeuvres originales, pour n’en garder que quelques traits et, surtout, la musique de Stravinsky.

Ainsi, l’histoire de la marionnette Petrouchka est réduite à son essence -le rapport maître/esclave- et nourrie d’espion du KGB (le fantôme du Maure) et d’espionne du MI6 (écho de la Ballerine) cherchant à mettre la main sur le même livre, de portraits de Max, Lénine, Staline et Laika et de démonstration de kazaktchok, le tout dans une esthétique tricolore (noir, blanc, rouge) de film muet à tendance expressionniste, cartons au lettrage blanc sur noir compris. L’ensemble est finalement très peu dansé, mais pour les amateurs de prouesses physiques, la scène de l’interrogatoire vaut à elle seule le détour, grâce à l’incroyable plasticité de Joris Baltz, formé à l’École Supérieure des Arts du Cirque de Bruxelles, semblant peser moins que l’air et capable de toutes les contorsions.

Le même Joris Blatz revient dans L’Oiseau de feu, en découvreur puis dresseur d’un animal fantastique se rapprochant, sous la carrure de Lisard Tranis, davantage du Faune de Ninjinki que d’un oiseau, même si une bonne partie de son époustouflante prestation s’effectue dans les airs -avec la complicité de deux techniciens dirigeant cintre et cordages- et qu’il est question de plumes. Exit les treize princesses, les pommes d’or et les sortilèges pétrificateurs: l’histoire se réduit à la relation d’apprivoisement/asservissement entre un homme civilisé (en haut) et une bête s’ébattant au milieu de tubes néon (en bas), et où revient donc la question de la liberté et de la manipulation (au propre comme au figuré).

Une soirée en deux temps que l’on savourera d’autant mieux en y arrivant sans préjugés et sans attentes trop ancrées.

Petrouchka et L’Oiseau de feu (à partir de 6 ans): jusqu’au 15 décembre au Théâtre royal du Parc à Bruxelles, www.theatreduparc.be; du 7 au 13 février à l’Aula Magna à Louvain-la-Neuve, www.atjv.be

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