Critique danse: Dans le labyrinthe de Wim Vandekeybus

Wim Vandekeybus © Danny Willems
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Dans TrapTown, Wim Vandekeybus poursuit sa réactivation des mythes anciens dans un tourbillon visuel et sonore à l’impressionnant casting.

TrapTown, qui donne son titre à la nouvelle création du chorégraphe Wim Vandekeybus, est une ville imaginaire de 4 millions d’habitants. Une ville-piège, donc, une ville-prison. Cette mégapole prend la forme d’un inextricable labyrinthe, révélé vu d’en haut dans les premières minutes du spectacle par les images vidéo au somptueux noir et blanc, qui seront quasiment omniprésentes. Ce labyrinthe existe vraiment: il s’agit de la structure en acier conçue par le duo d’architectes Gijs Van Vaerenberghe et implantée à C-Mine, sur l’ancien site minier de Winterslag, près de Genk. Mais chez Vandekeybus et sous la plume de l’écrivain et philosophe Pieter De Buysser, il prend une dimension surréelle, mythologique, écho futuriste des mésaventures antiques du Minotaure, de Thésée, Dédale et Icare.

Mais d’autres récits fondateurs sont convoqués ici, dans une intrigue où s’opposent deux clans, les Mythriciens et les Odinèses, les premiers ayant asservi les seconds à la faveur de la préciosité accrue de leur produit phare: le miel. Il est question d’abeilles dans TrapTown, mais aussi de lapins et d’aigles, de cadavres devant être enterrés selon les rites (Antigone, es-tu là?), de fossés apparaissant par surprise et engloutissant tout, mais aussi d’amoureux que tout oppose. Le Roméo ici présent est Marduk (la formidable danseuse islandaise Tanja Marín Fridjónsdóttir), fils du maire de TrapTown (Jerry Killick, uniquement présent à l’écran). Juliette, c’est la rockeuse américano-gantoise Trixie Whitley (fille du musicien et chanteur disparu précocement Chris Whitley), qui signe aussi l’énergisante bande-son aux côtés du band bruxellois en pleine explosion Phoenician Drive (leur premier album est sorti le 11 octobre).

Sous cette avalanche de sons et d’images, on en oublierait presque la danse sur scène, acrobatique à souhait, combattive, portée par huit interprètes venus d’horizons divers (auxquels, le soir de la première, il fallait ajouter Wim Vandekeybus lui-même, venant en renfort suite à la blessure au pied du colosse italien Flavio D’Andrea). Traduisant corporellement les relations de soumission/domination des deux clans, ces passages chorégraphiés constituent des moments de respiration virtuoses dans le flux complexe du récit, d’où se dégage, in fine, une réflexion ultra contemporaine sur la responsabilité et la nécessité d’action des favorisés par rapport à ceux sur le dos desquels s’est bâti leur propre bien-être. À méditer.

Jusqu’au 31 octobre au KVS à Bruxelles, www.kvs.be. Puis à Leuven, Hasselt, Courtrai, Heist-op-den-Berg, Bruges, Anvers et Turnhout. Toutes les dates de la tournée sur www.ultimavez.com

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