Antoine de Caunes: « Je ne veux pas rire aux dépens des gens, je veux rire avec eux »

A lui seul, un pan entier de la musique et de l'humour à la télévision. © CANAL+
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

De retour sur BeTV avec une émission patrimoniale surréaliste et décalée, La Gaule d’Antoine, l’irrévérent de Caunes parle de l’humour Canal, de l’évolution de la télé et de westerns kitsch dans le Sud-Ouest de la France.

D’Antenne 2 à Canal +, de Houba Houba à Nulle part ailleurs en passant par Rapido, Antoine de Caunes incarne à lui seul un pan entier de la musique et de l’humour à la télé. Aujourd’hui, quand il n’anime pas son émission quotidienne (Popopop) sur France Inter, l’ancien comparse de Philippe Gildas et de José Garcia fait le tour de France en costard et chapeau melon. Entre tourisme de l’incongru et journalisme rock’n’roll de proximité.

Le mau0026#xEE;tre mot de tout ce que j’entreprends, c’est la bienveillance

Comment est née La Gaule d’Antoine?

A l’adolescence. Avec les premiers émois (rires)… J’avais déjà réalisé une série de documentaires sur les grandes villes. Tokyo, New York, Los Angeles, Séoul… Je m’étais pas mal promené. Tout ça a été interrompu par Le Grand Journal, ensuite par L’Emission d’Antoine. Et puis, l’envie de bouger m’a à nouveau démangé. J’aime bien les plateaux de télé mais à petite dose. Je préfère tourner en extérieur. Sortir. L’objectif ici, c’est de visiter la France comme avaient été explorées ces mégapoles. Et de s’y attaquer méthodiquement: région par région.

Quel est le cahier des charges?

La Gaule d’Antoine est par définition patrimoniale puisqu’on parle du territoire. Mais comme toutes les autres chaînes ont déjà la leur, j’aborde les choses à ma façon. Je m’intéresse à des gens un peu bizarres, un peu étranges. Des gens qui ont des initiatives ou des comportements marrants. J’évite les bigoudènes, les bérets basques et les santons de Provence. L’équipe compte des journalistes qui mènent des recherches pendant toute l’année. Ils épluchent la presse locale et Internet.

Vous cherchez quoi? Le drôle, le décalé, l’incongru?

L’idée, c’est de visiter des endroits qu’on croit connaître pour découvrir qu’en fait il s’y passe plein de choses insoupçonnées… La France est un vieux pays. Beaucoup prétendent que c’est une espèce de bête assoupie qui vit sur ses acquis, sur son histoire, sur ses traditions. Nous allons montrer que pas du tout. Qu’il s’y passe un tas de trucs. Qu’il y a un paquet de gens drôles qui ont de la fantaisie, de la ressource et du ressort. Et que, même quand on joue avec les traditions, il y a toujours une manière de leur tordre le bras. De changer les regards.

Tellement de choses ont été faites en télé… N’est-il pas devenu compliqué de se réinventer?

Je ne sais pas. Ce que nous proposons, c’est un point de vue. C’est un état d’esprit. Personnellement, j’ai l’impression de faire la même chose depuis quarante ans. Mais il ne faut pas trop le dire: personne n’a l’air d’avoir remarqué… Nous tournons toujours autour du même axe: rencontrer des gens à la marge qui défendent des propositions alternatives. Avant, je faisais venir ces gens sur les plateaux. Maintenant, c’est moi qui vais chez eux. Dans leur écosystème, leur biotope.

Ça a été facile à vendre?

Ça a duré une dizaine de minutes: c’était enfantin. Quand je dis aux patrons, je veux faire ça dans cette veine-là, ils voient exactement où je veux en venir. Alors, après, ils acceptent ou pas. Mais je pense que j’étais dans le bon timing. C’est le moment de parler de cette bonne vieille France, de souligner qu’elle a encore quelques atouts. Le ton est très positif: c’est dans ma nature. Certains font des magazines d’investigation, des reportages remarquables. Moi, je fais du docutainment et le maître mot de tout ce que j’entreprends, c’est la bienveillance. Je suis très en colère contre une certaine forme de télévision qui utilise les gens comme de la matière première. Ça fait longtemps que je n’ai plus vu la télé faire preuve de respect auprès des personnes à qui elle rend visite. Je ne veux pas rire aux dépens des gens: s’il est question de rire, je veux rire avec eux. Sinon, je m’intéresse à leur histoire. A pourquoi ils ont cette idée bizarre qui leur passe par la tête. Jim Cooper, ce type qu’on est partis filmer et qui tourne des westerns dans le Sud-Ouest, il fait ça avec tellement de coeur, de sincérité, que le résultat est surréaliste. La facilité serait de s’en moquer. Alors que, pour moi, c’est une curiosité. Je suis touché par sa ferveur.

Que reste-t-il de l’humour et de l’esprit Canal?

Il reste Groland. Il reste Augustin Trapenard (NDLR: Boomerang en radio sur France Inter, 21 cm en télé sur Canal), qui n’est pas spécialement dans l’humour mais qui a une approche comme ça, assez particulière. Il donne un coup de pouce assez remarquable aux émissions pour lesquelles il travaille. Mais cet esprit, je le trouve aussi dans les séries. Que ce soit Le Bureau des légendes ou Baron noir. Mais, vous savez, l’esprit Canal, ce n’est pas un truc qui baigne dans le formol. Ça bouge avec le temps. Ça bouge avec l’époque. On n’est plus du tout dans les années 1980 ou 1990. C’est un autre monde aujourd’hui.

Quel regard jetez-vous sur l’évolution de la télé?

Je regarde des séries, des docs. Evidemment l’émission de ma femme (NDLR: la journaliste Daphné Roulier), L’effet papillon, ou celle de mon pote Karim Rissouli (NDLR: C politique), le dimanche, sur France 5. Mais je ne m’assieds pas devant mon poste, impatient de voir une émission de plateau. Ça ne m’intéresse pas. La télé, c’est très marrant à faire, mais je ne suis pas un bon téléspectateur. L’information? Les émissions de débat m’ennuient. Les talk-shows du genre On n’est pas couché ne m’intéressent pas vraiment, je n’ai pas d’avis. En fait, je n’aime pas trop la télévision. C’est un média assez envahissant et bruyant. Des choses formidables se font mais il faut fouiller. Je ne pense pas du tout qu’elle soit morte, parce qu’il y a encore plein de choses à fabriquer dans des formats qui ne sont pas ceux d’Internet, mais les manières de la consommer ont tellement évolué qu’on est beaucoup plus libre et mobile. On peut la regarder où on veut, quand on veut sur tous les supports possibles et imaginables. Une rupture assez complète avec l’idée d’une télévision statique.

La musique vous tient-elle toujours autant à coeur?

Oui. Je suis toujours aussi curieux. Je laisse traîner mes oreilles partout. J’écoute les Lomepal, les Eddy de Pretto, les jeunes rappeurs slameurs qui me réconcilient avec le hip-hop. Il y a un travail sur le texte, les interprétations, les arrangements… Sinon, j’écoute en boucle le Ry Cooder qui sort dans un mois et j’attends impatiemment le nouveau Arctic Monkeys, prévu pour début mai.

Et vous, hors La Gaule?

Je ne suis toujours pas rassasié. Je me vois encore en radio et télé pour les deux ou trois années à venir. Après, je reviendrai à la fiction. Long métrage ou série… J’ai vraiment faim de tout ça.

La Gaule d’Antoine: le mardi, à 21 heures, sur Be 1.

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