Triste fin de vie pour Joao Gilberto, la voix de la bossa nova

Joao Gilberto en 2008 © Capture d'écran Youtube

Sa voix douce susurrant The Girl From Ipanema continue de bercer les coeurs près de 60 ans après son enregistrement, mais la fin de vie de Joao Gilberto, l’un des pères de la bossa nova, a été bien moins harmonieuse que ses mélodies. Il est décédé samedi à l’âge de 88 ans.

La tristesse de l’existence de l’icône de 88 ans, qui vivait ruiné et solitaire à Rio de Janeiro, semblait sans fond. Depuis des années, Joao Gilberto est pris dans un conflit entre deux de ses enfants, son fils Joao Marcelo et sa fille Bebel Gilberto – eux-aussi musiciens – et sa dernière épouse dont il vit aujourd’hui séparé, Claudia Faissol, une journaliste 40 ans plus jeune que lui et mère de sa fille adolescente.

Bebel et Joao Marcelo accusent Claudia Faissol d’avoir abusé de la faiblesse de leur père et d’avoir provoqué sa ruine, mais les déboires du chanteur de légende ne se résument pas à des problèmes financiers.

« Dans son obsession à tout contrôler, Joao Gilberto avait pour ambition de faire en sorte que le monde s’arrête de tourner pour exercer son art. Il y est parvenu face au micro, mais en dehors de la scène, c’est tout le contraire« , a expliqué Ruy Casto, auteur d’un livre sur la bossa nova, dans le journal Folha de S. Paulo. « Il n’a jamais eu aucun contrôle sur sa vie, il s’est habitué à tout déléguer (…) Mais la vie écrit ses propres vers, et avec ses fausses notes« , a-t-il ajouté.

Du haut de son génie, Joao Gilberto n’a jamais été facile à vivre. Son perfectionnisme qui tourne à l’obsession névrotique, son côté excentrique et sa phobie sociale – il vit reclus depuis des années, souvent en pyjama – sont aussi légendaires que ses interprétations de succès planétaires comme Desafinado, Corcovado ou Chega de Saudade.

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« Son importance pour la musique est incalculable. Il fut la principale voix du mouvement musical brésilien le plus connu dans le monde et a été révolutionnaire presque sans l’avoir voulu« , explique à l’AFP Bernardo Araujo, critique musical du journal O Globo. « Il fut le premier chanteur, du moins au Brésil, à montrer qu’on n’avait pas besoin d’une voix puissante, il chuchotait, en s’accompagnant avec virtuosité à la guitare« , souligne-t-il.

Mais comme de nombreux génies, il avait ses démons.

« Il est comme Michael Jackson ou Prince, un artiste génial et étrange, mais son étrangeté a fini par prendre le dessus, pour arriver à la situation terrible d’aujourd’hui« , déplorait le critique.

Fin 2017, sa fille Bebel a obtenu sa mise sous tutelle, alors qu’il n’était plus en mesure de s’occuper de sa santé et de ses finances en raison de sa fragilité physique et mentale. Le début du déclin de Gilberto remonte au début de la décennie 2010. Son épouse Claudia l’a convaincu de faire une tournée pour ses 80 ans, qu’il a dû annuler – et rembourser – en raison de problèmes de santé. Pris dans un contentieux avec sa première maison de disque, sans nouvel album depuis 1989 ni apparition sur scène depuis 2008, en 2013 il a dû vendre 60% de ses droits dans ses quatre premiers albums. Son épouse a été accusée de lui avoir fait signer des contrats sans la pleine possession de ses capacités cognitives.

Beaucoup de Brésiliens l’ont vu pour la dernière fois sur une vidéo en 2015, où il apparaissait, très amaigri et en pyjama, chantant The Girl From Ipanema à sa petite fille en s’accompagnant à la guitare.

« Qu’en est-il de ma tristesse infinie?« , dit l’une de ses chansons.

Le Brésilien Joao Gilberto, une des légendes de la bossa nova, est décédé à 88 ans, a annoncé samedi son fils Joao Marcelo sur Facebook. « Mon père est décédé. Son combat était noble, il a tenté de conserver sa dignité alors qu’il perdait son autonomie », a écrit Joao Marcelo à propos de l’icône qui vivait ruiné et solitaire à Rio.

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