Critique | Musique

Le cas Polnareff

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Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

POP | Vingt-trois CD racontent un demi-siècle de Michel Polnareff, surdoué des années 1966-1973 dont la créativité n’a pas résisté à l’exil américain.

Seconde partie des années 60. Un type moins beau que Johnny, mais plus talentueux rayon écriture, capte un succès monstre via des blessures sentimentales avouées en chansons. Sous influence classique -le pater est juif, russe et compositeur-, les ballades virales (Love Me, Please Love Me, Le Bal des Laze, Âme câline)s’accompagnent d’ironie face à la France gaulliste coincée (La Poupée qui fait non).Polnareff a une voix angélique défiant les aigus, une morgue de pianiste virtuose et un sens majeur de la mélodie en mode mineur. Le tournant des seventies amplifie la provoc -l’affiche de son cul pour annoncer un Olympia- comme une forme inédite de pop à la française. Surgit alors le crash industriel: la vedette Polnareff névrosée se découvre grugée par son homme de confiance, ce dernier ayant bien sûr oublié d’honorer les impôts. Ruiné, Michou s’embarque à l’automne 1973 sur le Francepour gagner les États-Unis, et y dissoudre un génie turbulent dans une créativité discographique en berne depuis maintenant quatre décennies, malgré de rares soubresauts façon Lettre à France (1977). D’ailleurs, le septuagénaire Polnareff (1944) n’a plus proposé d’album studio depuis 1990, nonobstant… Dix-neuf mois passés aux studios ICP bruxellois en 2014-2015.

Le cas Polnareff

Ménage à trois

Hormis des incursions françaises, comme les absurdes 800 jours passés dans un palace parisien fin des eighties, le chanteur embrumé dans ses rêves californiens va attendre 34 ans avant de signer son retour en concert en 2007. À l’exception d’un passage en 1995 au Roxy de L.A. pour un live correct mais sans génie, fourgué ici. Ce scénario de grandeur et décadence est remarquablement illustré par cette compilation de l’intégralité des enregistrements studios, de quatre BO de films, de maquettes, versions alternatives et titres rares en anglais, espagnol, italien, allemand. Plus Ménage à trois, album funky anglophone enregistré en 1980 sous pseudo à Los Angeles. Mais la psychanalyse du parcours Polnareff, son cursus anthropologique, tiennent d’abord aux neuf concerts -onze CD du coffret- qui démarrent en avril 1967 à Lausanne pour se terminer à l’Olympia en 2016. En un demi-siècle, la constante tient dans la voix, immuable jouvence talentueuse d’un répertoire diversement servi. Avec la folie créative du summum Polnarévolution (1972), le son immaculé d’une prestation japonaise (Tokyo 72) et cet ovni du « concert au Forest National de Bruxelles« d’octobre 1975. Alors indésirable en France -toujours la question d’impôts non résolue-, Polnareff ramène ses musiciens ricains dans de calamiteux problèmes de son qui ne découragent pas un public fanatique. Le tout raconté en direct par le présentateur radio de RTL France comme l’épisode surréaliste d’un feuilleton grandiose, mais artistiquement égaré en chemin.

Polnareff, « Pop rock en stock », distribué par Universal. ****

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