King Gizzard: « Je ne suis pas très confiant dans le futur de l’humanité »

King Gizzard © Jamie Woziekonski
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Stakhanovistes du rock australien, les kangourous enragés de King Gizzard and the Lizard Wizard dégainent le conceptuel Murder of the Universe. Deuxième des cinq albums qu’ils sortiront (ou pas) cette année.

N’en déplaise à l’horoscope chinois, 2017 n’est pas l’année du coq mais celle du lézard. Ou du kangourou, c’est selon. La faute à King Gizzard and the Lizard Wizard. Une bande de chevelus australiens, empêcheurs de tourner en rond qui ont suivi une formation en rock stakhanoviste chez Ty Segall et John Dwyer. Quand on a découvert Stu Mackenzie et ses potes en 2014 grâce à I’m in Your Mind Fuzz, les King Gizzard faisaient du Thee Oh Sees avec de la flûte. Un disque psych-jazz découpé en quatre jams de 10 minutes 10 (Quarters!), un autre de pop sixties guillerette (Paper Mâché Dream Balloon) et ce Nonagon Infinity, plus sauvage et lourd, publié l’an dernier… Le gang de Melbourne n’a depuis cessé de se réinventer.

Cette année, les sept serial bosseurs se sont mis en tête de sortir cinq disques. « Le record dans le Guinness Book? Je ne sais pas, glisse Mackenzie quelques heures avant un concert chaud bouillant dans un Kreun courtraisien aux allures de sauna suédois. C’est probablement bien plus que ça. Je n’en aucune idée en fait. J’espère qu’on y arrivera parce qu’ils ne sont pas terminés et on tourne beaucoup plus que je l’imaginais. On fera de notre mieux. Et si pas, ce sera pour l’an prochain. Le troisième est fini en tout cas. Il s’appellera Sketches of Brunswick East. » Soit une collaboration avec leur pote Alex Brettin (Mild High Club), amorcée dans la foulée d’une GizzFest (le festival organisé en Australie par les King Gizzard) et fortement influencée dit-on par le Sketches of Spain et le Bitches Brew de Miles Davis…

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Pour l’heure, les Aussies déballent et défendent Murder of the Universe. Un concept album furieux en trois parties. La chute d’un homme et la mort de la planète. « En gros c’est ça. On a pensé trois histoires et elles finissent par s’entrelacer. En surface, elles font très science-fiction, absurdes, folles. Mais disséquées, elles peuvent sembler plausibles ou à tout le moins pas trop éloignées de la réalité. C’est une belle journée. On boit une bière en terrasse. Tout le monde semble heureux. Mais quand tu vois tout ce qui se passe de dingue dans le monde, qui sait combien de temps ça va durer? Qui sait combien de temps ce style de vie va exister à l’échelle de l’Histoire humaine? C’est peut-être le fait de voyager, de rencontrer beaucoup de gens qui m’a inspiré tout ça. Je ne suis pas très confiant dans le futur de l’humanité. On nous apprend à voir le bon côté des choses et à plonger la tête dans le sable. Alors qu’on devrait tous débattre sur l’intelligence artificielle, le changement climatique, les armes nucléaires ou que sais-je encore. Cette idée, c’est le début du disque. L’innocence, une espèce de comptine qui tourne mal. Ça se termine en d’autres territoires. »

Musicalement, Stu évoque l’influence lointaine du vieux heavy metal. La réécoute des premiers Metallica et Megadeth. De King Crimson un peu aussi. Les origines de Murder of the Universe remontent à la fabrication de Nonagon Infinity. Une extension de I’m in Your Mind Fuzz. Lui-même déjà un prolongement de Float Along-Fill Your Lungs. « Les autres disques sont un peu comme des pas de côté. L’exploration de nouveaux territoires. On essaie de changer le processus à chaque album. Avec, cette fois, par exemple, le spoken word de Leah Senior et les chapitres. On s’est dit qu’ils permettraient d’améliorer la narration. C’est sans doute pour combattre l’ennui. Pour doper la créativité. Le changement est bénéfique. Il permet de voir les choses sous une autre lumière. »

King Gizzard and the Lizard Wizard
King Gizzard and the Lizard Wizard© Jamie Woziekonski

Turquie, science-fiction et blockbusters…

Le 24 février, King Gizzard avait entamé son marathon avec Flying Microtonal Banana. Un disque enregistré avec un accordage microtonal et des instruments trafiqués. « Tout a commencé par des vacances en Turquie il y a deux ou trois ans. J’ai toujours été intéressé par les sonorités de ce pays, ses groupes psychédéliques seventies comme son folk. C’est une autre manière d’aborder la musique. J’ai été profondément marqué par l’album Elektronik Türküler d’Erkin Koray. Début des années 70, guitare électrique, mec psychédélique… C’est à cause de lui que j’ai acheté un baglama, cet instrument à cordes aux allures de guitare. Je l’ai utilisé pour créer des chansons et je me suis mis en tête d’enregistrer un disque. Le problème, c’est qu’il ne fonctionne pas vraiment avec les instruments occidentaux habituels. Donc, un pote m’a fabriqué une gratte spéciale légèrement inspirée par le baglama. Une gratte qui permettrait de l’imiter. »

Les King Gizzard ont aussi modifié deux autres guitares électriques, une basse, un harmonica et quelques claviers. « On pouvait tous s’amuser avec nos nouveaux joujoux. Très vite, l’oreille et le cerveau s’adaptent à ces sonorités. On n’a pas ouvert l’album par Rattlesnake par hasard. On s’est dit que ce morceau est si long et si répétitif que peut-être, à la fin de la chanson, l’auditeur aurait absorbé le son, les tonalités. »

Flying Microtonal Banana avait aussi été inspiré par le groupe psychédélique japonais Flower Travellin’ Band et son disque Satori, des documentaires bizarres et le roman The Kraken Wakes de John Wyndham. « J’étais en train de le lire quand j’ai écrit le morceau Open Water. C’est un classique de science-fiction avec un monstre des mers. J’ai grandi au bord de l’océan. Gamin, je détestais ce genre de trucs. Ça me faisait flipper (rires). Mais là, ça m’a donné envie d’avoir le bruit de l’océan sur le disque. » Non sans avoir recommandé Laugh About Life, l’album cool et barjot de Pipe-eye (soit Cook Craig, guitariste de King Gizzard), Mackenzie termine sur ses amours sci-fi. « Tourner est un moment privilégié pour la lecture et je suis un gros consommateur, j’avoue, des blockbusters de science-fiction. Je ne sais pas d’où ça vient. Tu apprends sur le monde réel, je pense, quand tu ouvres ton esprit au futur et aux possibilités d’autres mondes. »

• King Gizzard and the Lizard Wizard, Murder of the Universe, distribué par Flightless/Pias. ****

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