Esperanzah, deux ou trois choses que je sais d’elle

Succès de foule pour Gaël Faye. © BELGA/Louise Doumont

Esperanzah, c’était ce weekend, trente-six heures de musique et beaucoup d’aventures. Détours dans l’ambiance du festival, entre bonne humeur et canicule.

Le soleil de midi jaunit une herbe fraîchement coupée. Les pierres rejettent les volutes de la chaleur. Gravir la route qui la serpente devient une épreuve. Entre deux pavés, un lézard. L’Abbaye de Floreffe se prend pour le Sud.

C’est Esperanzah, pour trois jours de musique. Dans une ville où la densité de population connaît un boom exponentiel une fois par an. Le public sent la crème solaire et les couches-culottes. La bière, aussi. Pour une pyramide des âges assez souple. Pas que des jeunes, pas de que des vieux. Un mélange osé.

Au hasard des rencontres, un festivalier très heureux. Il s’appelle David. Pour lui, le festival est avant tout une question d’ambiance. « C’est une grande famille, Esperanzah« , explique-t-il. Deux minutes plus tard, un type débarque. Le genre plutôt bodybuilder qui ne s’écrase pas devant une grande gueule. Un chat dans un corps de tigre pour le coup. L’alcool de David entraine une altercation avec le monsieur. Ses yeux s’écarquillent, il n’avait rien demandé. Soudain, il rit. David aussi. Tout le monde rit. Pas de coup tiré.

La traversée de la Sambre

C’est calme, avec un grand sourire. Du côté des secouristes aussi, assis devant leur cahute. Des enfants courent dans tous les sens, les parents râlent. Le camping famille. Une autre ambiance. Jusqu’ici, trois piqûres de guêpes, une insolation et une coupure. Thomas dépose la fiche qui détaille les interventions. Il n’est pas secouriste depuis longtemps. Son collègue propose un apéro. Un choix simple, du thé « glacé » chaud ou de l’eau tiède.

Le talkie-walkie grésille. « Michel pour Maxime, intrusion dans le camping festif, ils traversent à la nage. On va les intercepter avec la police. Ils sont dans un jardin privé, côté sud. » Les deux secouristes rigolent. Braver la Sambre pour rejoindre le campement sold out. C’est plus mouvementé dans l’autre camping. Ils ont faim. Il ne reste plus que des hamburgers. Le micro-ondes tourne.

De l’autre côté, il paraît que l’on mange mieux. Pour retourner au festival, une navette à attendre sous le cagnard. Couché dans la paille du champ qui borde l’arrêt, un couple. L’une avait sa prévente, l’autre non. Faute de place dans le festiv’, elles passent la nuit avec les familles et retournent au réveil visiter leurs amis. Et là-bas, elles auraient mangé la meilleure frite de leur vie. Le cornet fait maison, aux patates fraîchement coupées. Et une super sauce tartare. C’est là que tous les regards se sont tournés vers elles. Drôle d’idée, la frite tartare.

Penser demain

La navette s’en va et les festivaliers s’inquiètent de l’heure. Le premier concert va bientôt commencer. Baï Kamara Jr. Le bluesman belgo-congolais qui aime la nuit « downtown in Saint-Josse« . L’expression donne à Bruxelles des airs de Manhattan. Parce qu’Esperanzah, ce n’est pas que de la nourriture, malgré le nombre incroyable d’échoppes. C’est aussi de la musique.

Du son avec le sourire, comme Naâman. Un type content, un peu trop parfois. Pour du reggae électronique, où un beatmaker balance ses samples en noyant les musiciens. Ceux qui ne courent pas le risque de s’éclipser les uns les autres, ce sont les hambourgeois de Meute. La fanfare reprend les meilleurs tubes de la techno. C’est frais. Ils offrent au son club une nouvelle vie, pour une perception inhabituelle de ce qui forme les morceaux. Du plaisir.

On pouvait croiser Bernard Lavilliers, qui s’était décidé à raconter l’histoire du ska et du reggae à son public aux cheveux grisonnants. Pour un sextet à cordes sur On the road again, aux paroles reprises doucement par la foule heureuse. Et de bons musiciens.

Et partout, à travers les groupes, un rappel. Sur les murs, dans les stands, sur les badges. Une évolution nécessaire de la société. Parce qu’à défaut d’avoir une affiche innovante, Esperanzah pense à demain. Au monde qui change, à ce qui a trop duré. Cette année, c’était le patriarcat. Trop de harcèlement, d’inégalités et de dominations à combattre. Les slogans étaient percutants. Et ça faisait réfléchir. Un travail de déconstruction.

Parce qu’Esperanzah, c’est un village dans le village, une histoire d’ambiance et de musique. Un mélange rien qu’à elle. Une expérience globale dans la bonne humeur et dans la prospection. La légèreté sous le cagnard.

Victor Huon

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