Balkan Trafik!: demandez le programme

Nicolas Wieërs © Philippe Cornet
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Après une édition piratée par les attentats du printemps 2016, Balkan Trafik! renaît de ses douleurs, toujours porté par l’entrepreneur bruxellois Nicolas Wieërs.

Si le titre n’était déjà pris, Monsieur 100.000 volts irait bien au grand Nicolas: pas seulement pour le punch physique -deux titres belges de champion de boxe amateur- mais aussi pour le carburant mis au véhicule Balkan Trafik!, y compris lorsqu’il est menacé de sortie de route. « L’année dernière, en arrivant un mois après les bombes de Zaventem et de Maelbeek, on a dû faire 2.500 entrées au lieu des 5-6.000 habituelles. La campagne de pub dans le métro a foiré vu qu’un certain nombre de stations sont restées un temps fermées et que les réseaux sociaux ont été occupés par toutes les questions liées au terrorisme, laissant loin derrière la culture. » Coup de mou financier que le quadra Wieërs refuse de laisser pourrir un festival aux plaisirs non communautaristes. Gagnant sa vie comme réalisateur pour Euronews, il fait toujours du bénévolat à peine défrayé pour Balkan Trafik!, au budget annuel d’environ 300.000 euros. Un sponsor privé, le pétrolier serbe NIS, la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Ville, la Région et « des Flamands » font bouillir la marmite d’une philosophie perso: « Ce que l’on offre, c’est une proximité des artistes, musiciens, cinéastes et autres qui viennent à Bozar, presque un happening qui gomme l’espace entre scène et salle. » Sûr que le vénérable bâtiment d’Horta n’est guère familier des musiques tirées de l’électrique réalité fragmentée des Balkans, servies toutes chaudes dans une atmosphère que vins et recettes de là-bas garantissent festive.

Chercheur de nouveautés

Cette année à Balkan Trafik!, une vingtaine de formations incarnent les musiques d’ex-Yougoslavie, Albanie, Moldavie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie et autre Turquie avec la star du rock stambouliote Gaye Su Akyol. Histoire de (re)fédérer l’ambiance après le péril 2016, Nicolas a embauché en ouverture la vedette Goran Bregovic, accompagnée de son fidèle Wedding and Funeral Orchestra, augmenté du Brussels Philharmonic et de trois solistes incarnant les trois religions de Sarajevo. « Goran vient pour la troisième ou quatrième fois, et il sert à attirer le regard des gens sur le festival, mais sa qualité musicale en fait quelqu’un toujours tout en haut de la pyramide culturelle des Balkans. » Récupérant les classiques balkaniques, comme les merveilleux roms du Taraf de Haïdouks, Nicolas Wieërs est aussi un chercheur de nouveautés: « Je fais un festival qui prend en compte l’actuelle tension de la région, et cette jeunesse de Roumanie, de Serbie ou de Macédoine qui descend dans la rue. » Ce numéro équilibriste connaîtra pour la première fois, une version française, les 2 et 3 juin au Palace, mythique salle des nuits parisiennes. L’exploration ne s’arrête pas là puisque en décembre à La Madeleine bruxelloise, le même Wieërs présentera The Russian LAByrinth, « une façon de montrer comment au-delà de Poutine ou de la Crimée, la culture russe est d’importance. On y emmènera les spectateurs en musique bien sûr, mais aussi via les films d’animation, le graphisme et les tatouages, les tendances électroniques, toujours vers le même objectif: revenir sur l’importance des gens plutôt que sur les clichés véhiculés. »

Demandez le programme

Voilà un événement qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Pour sa onzième édition, le festival Balkan Trafik! va en effet s’exporter pour la première fois à Paris, au mois de juin (lire par ailleurs). Avant cela, il se déploiera à nouveau à Bozar, son port d’attache bruxellois. Du 19 au 23 avril, ce sont quelque 250 artistes qui viendront célébrer les cultures d’Europe du Sud-Est, histoire de montrer que la région n’est pas qu’une immense pétaudière, nid à tensions géopolitiques. Au programme sont donc prévus des ateliers, des workshops, des happenings (comme par exemple le grand rassemblement de danse folklorique horo prévu sur la Grand-Place). Mais aussi du cinéma (une carte blanche offerte au festival du film de Sarajevo) et surtout, une grosse tranche musicale. La star la plus attendue est évidemment Goran Bregovic. Compositeur de BO culte (Arizona Dream, Le Temps des gitans, Underground…), il viendra présenter Three Letters from Sarajevo, en collaboration avec le Brussels Philharmonic Orchestra. Il faut parler également de Baba Zula, groupe turc qui fête cette année ses 20 ans (notamment via une double compilation, baptisée XX), ou encore du New York Gypsy All-Stars, bouillant combo qui mélange la pompe balkanique au jazz, funk, etc. On s’en voudrait enfin de ne pas mentionner l’hommage qui sera rendu à Stéphane Karo, décédé l’an dernier, et qui a largement contribué à faire connaître les musiques des Balkans, via des groupes comme Taraf de Haïdouks, Kocani Orkestar, etc. (L.H.)

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