Poupée de cire, poupée de non, c’est non

© REUTERS/Vincent Kessler
Serge Coosemans
Serge Coosemans Chroniqueur

À Paris, une poignée de féministes et un élu communiste cherchent à faire fermer le premier établissement qui propose du sexe tarifé avec des… poupées. Croisade morale délirante, Minority Report live ou remix d’une vieille histoire de crocodiles? Le Crash Test S03E26 a bien sa petite idée…

À Paris, côté Montparnasse, un jeune homme du nom de Joaquim Lousquy a ouvert Xdolls, le premier « game center » français entièrement équipé de poupées sexuelles en silicone. Une « passe » y coûte 89 euros, 19 balles de plus pour avoir sur la tête un casque de réalité augmentée qui rendrait l’expérience plus « excitante » encore. Ce bunga bunga d’un genre (pas si) nouveau a ses spécificités. Dans Paris Match, Lousquy expliquait ainsi qu’« en Allemagne, ils ont installé les poupées dans d’anciennes maisons closes. C’est une erreur. Les lieux, l’accueil ne sont pas du tout conçus pour ça. Par exemple, ils utilisent des lits classiques de 60 centimètres de hauteur. Mais une poupée, ce n’est pas une femme. C’est lourd, compliqué à bouger. Il faut être à son niveau. C’est pour ça que j’ai installé des matelas par terre dans mes « espaces de jeu ». »

Ces poupées sont basiques, pas motorisées, et ne parlent pas. Lousquy compte vite se diversifier en ajoutant à son staff une poupée mâle et une poupée noire mais pour le moment, il n’a que trois « dolls » en stock et elles sont toutes blanches et à fortes poitrines. Ce qui a, bien entendu, déjà fait crisser quelques ratiches, celles de justiciers sociaux qui entendent que la diversité soit autant représentée dans les établissements de plaisir (?) que dans le cinéma hollywoodien. Le discours de Lousquy, lui aussi assez basique, a également généré sa petite panique morale: « Ici, tu es concentré sur ton plaisir à 100%. Il y a une dimension égoïste, voire autistique. Tu n’as pas besoin de penser au plaisir de la femme, ça change profondément ton expérience. Et les sensations sont incroyables. Limite mieux. Un truc inconscient se passe, qui fait que ça t’excite. Tu ne fais pas l’amour à une vraie femme. Ni à ta main. C’est nouveau. C’est autre chose. »

Tellement autre chose que voilà déjà que certaines féministes et un élu communiste en sont à vouloir fermer l’établissement. Bien entendu, il pourrait y avoir une entourloupe légale. C’est qu’il est, en France, interdit d’ouvrir et d’exploiter une maison close depuis la Loi Marthe Richard de 1946, d’où d’ailleurs probablement l’appellation retenue par Lousquy pour son petit commerce d' »espace de jeu ». Mais peut-on réellement parler de lupanar quand avec quoi on y copule est un objet inanimé et dénué de conscience? Moi, ça ne me viendrait jamais à l’idée d’aller caler mon zigouigoui dans une Barbie géante, mais est-ce que les gens qui le font peuvent vraiment être considérés comme de potentiels dangers sociaux? Soyons cash, soyons logiques: si on interdit l’amour tarifé à une poupée à gros nichons dans un établissement commercial parce que cela implique une dangereuse perversion et un potentiel danger pour les femmes, les enfants et la société, pourquoi ne pas directement aller abattre les types qui, chez eux, baisent des aspirateurs, des gants de toilette, de la viande hachée, des chaussons aux pommes et le vase de leur grand-mère?

D’accord, peut-être que certains clients de Xdolls fantasment un viol durant leur petite affaire… Et alors? Sont-ils en train de violer qui que ce soit? Vu que non, sont-ils dès lors plus ou moins coupables que tous ceux, hommes comme femmes, qui fantasment dans un tramway bondé une apocalypse nucléaire bien méritée? C’est déjà Minority Report et personne n’a rien dit ou quoi? Autre question un tantinet logique: baiser une poupée, est-ce vraiment dégrader l’image de la femme ou juste un acte profondément solitaire et fondamentalement masturbatoire, comme le porno sur son écran? N’oublions pas la question subsidiaire: vu qu’on semble encore très loin des « unités de plaisir » à la Blade Runner, avec une conscience et une personnalité développées, est-ce que cela vaut vraiment la peine de mener un débat éthique sur une putain de poupée gonflable améliorée?

Bref, tout cela m’amuserait grandement si ce n’était pas aussi symptomatique de l’ambiance de croisade morale délirante du moment. Il y a dix ans, on aurait bien rigolé, à la Groland, de types qui vont faire mumuse avec des poupées en silicone et plus encore de ceux qui cherchent à le leur interdire. Là, ça ne rigole plus. C’est dramatisé à l’extrême et ça bat des pieds et des mains pour se retrouver affilié au dossier #metoo. Un pauvre type qui se branle dans un mannequin en silicone devient une bombe humaine en puissance, un futur kamikaze du Patriarcat. C’est n’importe quoi. Vraiment. Ça rappelle d’ailleurs drôlement une dépêche Belga d’il y a 10 ans, celle qui racontait comment Gaia, l’organisation de défense des animaux, avait dénoncé dans un rapport très sérieux et concerné l’inconfort des crocodiles du « Monde Sauvage » d’Aywaille. Il s’était alors avéré que ceux-ci étaient des éléments de décor en cire.

Cire et silicone, même combat, même droits.

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