Critique

[Le film de la semaine] Under the Silver Lake, ébouriffant

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

FILM NOIR | Une oeuvre ouverte à l’humour grinçant et halluciné, tenant tout à la fois du portrait de la ville et du précipité générationnel.

[Le film de la semaine] Under the Silver Lake, ébouriffant

De The Big Sleep, de Howard Hawks, à The Big Lebowski, des frères Coen, le polar angelino s’est imposé comme un genre en soi, le cinéma hollywoodien y repiquant régulièrement comme l’on retourne à ses fondamentaux. Ainsi, aujourd’hui, de Under the Silver Lake, variation référencée et virtuose sinon définitive signée David Robert Mitchell, l’auteur du fulgurant It Follows. Soit l’histoire de Sam (Andrew Garfield, impeccable), la trentaine glandeuse habitée de rêves vagues voire oubliés, geek passant le plus clair de son temps à mater, depuis son appart dont il est menacé d’expulsion, ses voisines du quartier branché de Silver Lake. Et notamment l’énigmatique Sarah (Riley Keough, découverte dans American Honey) qui, à peine apparue, va se volatiliser, entraînant l’éternel post-adolescent dans une recherche aussi obsessionnelle qu’embrumée à travers la ville, pour plonger bientôt dans les profondeurs de L.A. et de la pop culture, au coeur d’un rébus dont la solution ne cesserait de se dérober…

Film étrange et fascinant, Under the Silver Lake s’insinue dans l’envers d’un décor à bien des égards fantasmatique sur les pas incertains d’un privé amateur n’étant pas sans évoquer le Marlowe version Elliott Gould du The Long Goodbye de Robert Altman, voire encore le Doc Sportello de Inherent Vice, de Paul Thomas Anderson. L’horizon est étincelant et trouble à la fois, Mitchell le truffe de références – Rear Window, de Hitchcock, ou Mulholland Drive, de Lynch, pour les plus manifestes, mais encore Janet Gaynor dans Seventh Heaven ou Something’s Got to Give, le dernier film de Marilyn-, comme pour mieux le déconstruire et en questionner le sens. Perspective gigogne, pour une oeuvre ouverte à l’humour grinçant et halluciné, tenant tout à la fois du portrait de la ville et du précipité générationnel. Pour se révéler au final d’une richesse peu banale, film noir labyrinthique déflorant, sous la surface soyeuse du Silver Lake et de la pop culture exposée à saturation, un espace mystérieux où le spectateur a tout loisir de se projeter, histoire de mieux s’égarer dans son propre paysage mental. Ébouriffant.

Film noir de David Robert Mitchell. Avec Andrew Garfield, Riley Keough, Jeremy Bobb. 2h19. Sortie: 08/08. ****(*)

>> Lire aussi notre interview de David Robert Mitchell

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