Critique

[Le film de la semaine] Taipei Story, une très remarquable restauration

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Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DRAME | Idéalement restauré, un film phare de la Nouvelle Vague taïwanaise sort… 33 ans plus tard.

Dans le labyrinthe lumineux du Taipei des années 80, Chin et Lung forment un couple riche en interrogations. S’ils se connaissent depuis le lycée, ils ne sont pas mariés, ils ne vivent même pas ensemble. Et l’avenir leur pose encore plus de questions qu’un présent incertain. Chin est secrétaire dans un cabinet d’architecture, Lung fait commerce de tissus. Quand lui voyagera pour affaires à l’étranger, retrouvant un ex-flirt en plein divorce, elle se rapprochera d’un collègue de travail… Chronique intimiste décalée, attachante et stylée, volontiers nocturne et déambulatoire, Taipei Story parvient enfin jusqu’à nous, trois décennies après sa réalisation. C’est le deuxième long métrage d’Edward Yang. Lequel épousera bientôt son actrice principale, Tsai Chin. Le premier rôle masculin est tenu par Hou Hsiao-hsien, également co-auteur du scénario avec Yang et l’écrivaine Chu T’ien-wen(1). Ainsi se voyaient réunis, à l’aube de ce qu’on allait appeler la Nouvelle Vague taïwanaise, les deux cinéastes qui devaient l’incarner mieux que quiconque. Dans les années suivantes, tant Edward Yang (avec A Brighter Summer Day et Yi Yi) que Hou Hsiao-hsien (avec A Time to Live, a Time to Die, A City of Sadness et The Puppetmaster) allaient bénéficier -via les festivals, Cannes en tête- d’une reconnaissance internationale donnant à « l’autre Chine » une réputation cinématographique jamais démentie depuis.

Au naturel

[Le film de la semaine] Taipei Story, une très remarquable restauration

Taipei Story reste exemplaire d’éléments fondateurs de cette Nouvelle Vague: grande liberté de narration comme de ton et de forme esthétique, refus des codes du cinéma commercial, rapport créatif à l’espace et au ton, accent mis sur les rapports entre les personnages et leur environnement (y compris dans l’aliénation), thématique intime creusant la réalité urbaine, sociale, familiale et même -surtout chez Hou- historique. Il faut rappeler que l’émergence de ce cinéma neuf et au grain réaliste accusé fut rendue possible par l’action de la Central Motion Picture Corporation (CMPC), la plus ancienne compagnie de production du pays. Laquelle, face à la concurrence des films de Hong Kong et de la vidéo au début des années 80, avait déclenché un programme d’investissements visant à dénicher de jeunes talents ambitionnant autre chose que les genres du mélodrame et des arts martiaux en nette perte d’audience… Taipei Story a bénéficié d’une très remarquable restauration (au standard 4K) menée par le laboratoire L’Immagine Ritrovata de la cinémathèque de Bologne, avec un financement de la World Cinema Foundation(2). Un travail exemplaire, qui met particulièrement en valeur les scènes de crépuscule et de nuit, photographiées au naturel par Wei-han Yang, sans presque aucun ajout d’éclairage « de cinéma ».

(1) Laquelle deviendra (jusqu’à aujourd’hui) la scénariste attitrée de Hou.

(2) Association sans but lucratif fondée en 2007 par un certain Martin Scorsese.

De Edward Yang. Avec Tsai Chin, Hou Hsiao-hsien, Wu Nien-jen. 1h50. Sortie: 14/03. ****

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