Critique

[Le film de la semaine] Gaspard va au mariage, petit ovni de comédie française

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Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

COMÉDIE | Comédie familiale et chorale aux humeurs animales, le troisième long métrage du réalisateur de Douches froides et Happy Few est aussi son meilleur à ce jour.

Cas à part que celui d’Antony Cordier. Dès Douches froides, prix Louis-Delluc 2005 du premier film, nominé aux César l’année suivante, ce natif de Tours érotisait la lutte des classes dans un geste de cinéma très physique, envisageant l’amour comme un sport de combat. Un coup d’essai pas dénué de maladresses, certes, parfois très insistant dans sa manie de souligner ses intentions, mais authentique, et vivant, dans l’exécution. En 2010, entouré de Marina Foïs, Élodie Bouchez, Roschdy Zem et Nicolas Duvauchelle, il fondait des thématiques similaires -le sport, les corps, la mécanique des fluides- dans un drame ambitieux, Happy Few, traversé par cette question vieille comme les sentiments: peut-on aimer deux personnes à la fois? Résultat des courses: un nanar d’une platitude absolue où des adultes pourris gâtés jusqu’à la moelle ouvraient la boîte de Pandore (l’échangisme), jouaient avec le feu et, immanquablement, se brûlaient. Ennui, embarras et puis rideau.

Nouveau départ

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L’histoire ne dit pas comment Cordier est parvenu à se relever de pareille gamelle. Toujours est-il que le voilà qui reparaît sur les radars, quelque huit ans plus tard. S’inscrivant dans la grande tradition des comédies familiales et chorales, Gaspard va au mariage le voit s’avancer en terrain pour le moins inattendu, quelque part entre le classicisme hollywoodien feelgood du We Bought a Zoo de Cameron Crowe et l’abattage comico-fantasque de La Loi de la jungle d’Antonin Peretjatko. D’animaux, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit, il en est beaucoup question dans le film, au propre comme au figuré d’ailleurs. Enfant prodigue menant une vie de bâton de chaise, Gaspard (Félix Moati) y fait son grand retour au bercail -un zoo où il a grandi parmi les singes et les fauves aux côtés de son frère (Guillaume Gouix) et sa soeur (Christa Theret)- à l’occasion du remariage imminent de son père (Johan Heldenbergh). Flanqué de Laura, une inconnue lunaire qui accepte de jouer sa petite amie le temps de l’événement (Laetitia Dosch, qui d’autre?), il louvoie entre le poids relatif des souvenirs d’enfance et d’incertaines perspectives d’avenir…

Jamais avare en matière de surlignage, Antony Cordier taille, quant à lui, sa voie à la machette entre fausses bonnes idées et vraies fulgurances, ratages évitables (des métaphores animales plaquées à la truelle façon « Les femmes c’est pas des fauves, ça se dresse pas« ) et fragiles réussites (les inventions du jeune Gaspard, comme le nettoyeur de nombril ou le parachute pour bouchon de champagne). Un cinéma de situations, de dialogues parfois empesés, sauvé par un étonnant mix d’humeurs (entre humour potache et poésie filante, drame solennel et fantaisie tendre) mais surtout de très beaux personnages et des acteurs investis (cette obsession pour les corps nus…). Avec ce troisième film, le réalisateur invente à l’arrivée un drôle d’hybride et, mieux, un petit ovni -ce mot si galvaudé…- que l’on n’attendait pas forcément aujourd’hui dans le paysage aussi tristement sinistré qu’affreusement embouteillé de la comédie à la française.

D’Antony Cordier. Avec Félix Moati, Laetitia Dosch, Christa Theret. 1h43. Sortie: 07/03. ***(*)

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