Critique

[Critique ciné] Les Enfants du hasard, à rebours des clichés

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DOCUMENTAIRE | Thierry Michel pose sa caméra dans une école, partageant le quotidien d’une classe d’enfants majoritairement issus de l’immigration.

De son propre aveu, Enfants du hasard constitue un retour aux sources pour Thierry Michel. Son cycle du Congo derrière lui (lire notre interview), ce dernier, associé à Pascal Colson, a choisi de poser sa caméra dans une petite école communale de Cheratte, dans la région de Liège, pour y partager le quotidien d’une classe de sixième primaire. L’enfance, le cinéaste s’y était déjà frotté dans Gosses de Rio, en 1990. Il se met aujourd’hui à l’écoute d’une institutrice et de ses élèves, issus pour la plupart de l’immigration turque et musulmans à une très large majorité -ils sont, en effet, petits-enfants de mineurs, et le film, parmi d’autres qualités, entreprend de tisser le lien entre passé, présent et futur.

Laisser l’enfance s’exprimer

[Critique ciné] Les Enfants du hasard, à rebours des clichés

Le décor planté en un plan aérien fondant sur des enfants s’égayant dans une cour d’école à l’ombre d’un charbonnage désaffecté, la caméra s’immerge dans une classe conduite avec une autorité bienveillante par madame Brigitte, une institutrice combinant tempérament affirmé et expérience éprouvée. Et ayant fait de la pédagogie ouverte son credo, s’employant à raccrocher le programme scolaire à la réalité de ses élèves, en lien avec leur histoire personnelle comme avec leur famille, d’ailleurs; le tout, avec un maximum de disponibilité et sans jamais se départir d’un enthousiasme qu’elle a communicatif. Une méthode portant ses fruits, selon toute apparence, alors que les cinéastes s’effacent comme pour mieux laisser l’enfance s’exprimer -face caméra, parfois, mais aussi au gré d’une année bien remplie qui, si elle multipliera les excursus, les conduira jusqu’aux épreuves redoutées du CEB.

Simple, le dispositif arrêté se révèle surtout porteur. Semblant avoir oublié la présence de la caméra, les écoliers laissent parler leur spontanéité. Et s’il y a là quelques moments particulièrement savoureux -ainsi des diverses scènes où intervient un élève doué doublé d’un cancre patenté, dont les admonestations de son institutrice ne semblent qu’attiser l’indifférence- ou émouvants, la parole libérée est aussi porteuse de sens, alors que les enfants partagent, à rebours des clichés, leurs réflexions sur les attentats terroristes ou sur le harcèlement sur les réseaux sociaux, par exemple. Au-delà, c’est encore leur vision de l’avenir qui s’esquisse, laissant entrevoir un éventail de possibles. S’il célèbre lumineusement l’école comme lieu de vie, Enfants du hasard fait aussi la démonstration limpide de sa capacité à préparer les enfants à s’affirmer dans un contexte incertain, quand, passée l’insouciance, il leur faudra se frotter au vaste monde. Proposition énoncée à l’abri d’un quelconque didactisme, mais trouvant dans la matière et la manière mêmes du film un élan hautement stimulant.

DE THIERRY MICHEL ET PASCAL COLSON. 1H40. SORTIE: 22/03. ****

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