L’oeuvre de la semaine: un monde sur moins de 20 centimètres

Carolina Fernandez, Rigpa. © Copyright de l'artiste
Guy Gilsoul Journaliste

Lauréate du prix Ransy réservé aux peintres figuratifs, la colombienne Carolina Fernandez présente en ce moment un ensemble de tableaux dont la séduction n’a d’égal que l’étrangeté.

Ce sont de petits formats qui, par leur taille très réduite, font du regard, un lecteur attentif. La qualité du dessin, sa précision ainsi que celle de la peinture, en glacis à l’ancienne, propose des scénettes au coeur desquelles, toujours, intervient un élément insolite. La force de celui-ci ne vient pas de la rencontre de deux sujets mais de deux systèmes figuratifs, dont l’un appartient à la tradition picturale, l’autre à l’univers des emoticones et des jeux vidéos de première génération.

Imaginez par exemple un paysage nocturne réunissant un ciel ennuagé encore partiellement lumineux et la mer qui n’est plus qu’une vaste surface d’encre. A l’avant-plan, le peintre pose un ponton. Jusque-là, tout est somme toute assez banal. Sauf que sur ce dernier, s’agglutinent une foule de petits ours dont l’apparence se limite à leur contour simplifié. Certains d’entre eux ont déjà plongé. Tout au loin, d’autres sont avalés par les épais nuages.

Dans une autre composition, le cadre est celui d’une pièce vide que seule habitent un divan et un chien. L’étrangeté vient d’abord de la différence d’échelle entre le meuble et l’animal, la lumière crépusculaire ensuite et peut-être aussi l’effet « Viewmaster ». Mais l’élément perturbateur qui attise la curiosité et la méfiance du chien (et donc du nôtre) vient de petites sphères lumineuses qui peu à peu, comme dans certaines vidéos de Mariko Mori, traversent l’espace en apesanteur.

Dans ce huis-clos où l’enfance est de mise, Carolina Fernandez ajoute encore, l’air de rien, de petits éléments troublant le réalisme de la scène comme ces touffes d’herbes naissant à fleur de peau du plancher. S’il y a bien dans tout cela, une part de rêverie, on devine aussi combien la mise en place de ces mini-théâtres suit la lenteur de l’exécution et combien se joue ici un travail critique abordant autant les chemins de l’introspection que l’histoire des images en leurs références et leurs modes.

Bruxelles, Rossi Contemporary. 690 chaussée de Waterloo. Jusqu’au 13 mai. Jeudi et vendredi de 13h à 18h, samedi de 14h à 18h. www.rossicontempirary.be

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