L’oeuvre de la semaine: Échec et mâle

Rachel Whiteread. Jeu d'échecs moderne, 2005. Courtesy de l'artiste, Luhring Augustine New-York, Lorean O'Neill, Romme, Gagosian Gallery Los Angeles. © G.G.
Guy Gilsoul Journaliste

Le champ de bataille où vont bientôt s’affronter les armées et les fous, les chevaliers, les reines et les rois de ce jeu d’échecs signé Rachel Whiteread emprunte à la domesticité de la maison.

Chaque case évoque un lieu fatigué : moquette du salon, carrelage de la salle de bain, pavement de la cuisine ou encore plancher des chambres. Mais aussi un espace de confrontation. Face à face, les objets deviennent les ambassadeurs d’un jeu de rôle. A droite, seaux, poubelles et casseroles sont aux avant-postes. Derrière ces pions, la tour devient évier, les cavaliers jouent à la table à repasser alors que le roi et la reine possèdent l’armure d’une cuisinière. Quant au grain de folie, ce pas de côté dans la logique ambiante, elle est figurée par deux lampadaires du plus bel effet bourgeois qui soit.

Face à ce petit monde aux connotations féminines dominantes, il y aurait l’armée de l’homme, époux modèle et général en sa demeure. Ses pions sont des fauteuils cossus ou sur roulettes, sa tour porte le progrès des écrans alors que sa cavalerie prend le temps d’écouter la radio ou de prendre l’apéro. Lui se voit en armoire haute et fière avec à ses côtés, une autre garde-robe, sa reine. A lui aussi, il s’agit de concéder un brin de folie. Une coiffeuse par exemple en sera la métaphore. L’homme est coquet.

L’oeuvre de l’artiste anglaise de 54 ans fait partie d’un parcours thématique interrogeant le rapport entre la femme et l’espace domestique. On y croise autant la critique de rôles (héritier des mouvements féministes des années 1970) que des interrogations plus intimes. Helena Almeida, Birgit Jügensen, Francesca Woodman, Carla Accardi, Laure Tixier ou encore, Niki de Saint-Phalle et Louise Bourgeois…

Rachel Whiteread, apparue sur la scène artistique à l’heure des Young British Artists a été la première femme à recevoir le Turner Prize en 1993 avec le moulage en béton de l’intérieur d’une maison victorienne de Londres.

Paris, « Women House ».Monnaie de Paris. 11 quai de Conti. Jusqu’au 28 janvier. Du mardi au dimanche de 11h à 19h. www.monnaiedeparis.fr

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content